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Sanofi doit assumer son échec et se repenser

Inacceptable!


Sanofi doit assumer son échec et se repenser
© ALLILI MOURAD/SIPA Numéro de reportage : 01001758_000009

La France doit retrouver sa formidable capacité à innover et son rôle historique de précurseur dans la vaccination, après le terrible échec industriel de Sanofi.


Pour ceux qui continuent de s’étonner de l’existence d’une pandémie mondiale qui déstabilise tous les pays en excusant le nôtre, la France, de ne pas s’y être préparé, il convient de faire quelques rappels simples : ce sont les vaccins qui ont permis de stopper les ravages habituels sur l’humanité. La conséquence c’est que le nombre des humains a augmenté et que les techniques modernes ont augmenté les échanges mondiaux et donc la possibilité d’explosion quasi universelle des maladies transmissibles, contagieuses. Le succès incontestable des sciences médicales et biologiques ont permis de limiter la mortalité et donc d’augmenter la démographie avec comme conséquences des pandémies mondiales possibles, mais aussi une utilisation désordonnée des ressources naturelles conduisant aux atteintes actuelles à l’environnement. 

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En France, comme ailleurs dans le monde entier, on savait donc que les virus rodaient, et en particulier les coronavirus avec leur particularité de muter pour résister à ceux qui les combattent. Les sociétés pharmaceutiques mondiales devenaient de plus en plus grosses (Big Pharma) pour pouvoir financer les dépenses de mise au point de fabrication et de diffusion des médicaments et vaccins, non pas que la recherche en elle-même était très onéreuse, mais parce que les règlementations nationales et internationales demandaient de plus en plus d’essais thérapeutiques avant d’obtenir le droit de commercialiser un nouveau produit. Le gigantisme assumé par les gouvernements des pays développés était donc issu de la précaution et non du désir d’innover. C’est ainsi qu’en France Sanofi a absorbé la plupart des laboratoires nationaux, puis est allé faire ses emplettes à l’étranger, et il en a été de même pour l’ensemble du monde pharmaceutique.

On peut mettre beaucoup d’argent et échouer, l’essentiel est dans l’inventivité, l’innovation, dans la capacité de sortir des sentiers battus, de se remettre en question, tout le contraire du conformisme et de la précaution dans laquelle la société française s’enlise comme certaines de ses entreprises… hélas !

Mais qu’y avait-il de vraiment nouveau dans tout cela depuis les antibiotiques, les vaccins Pasteur-Koch et la découverte de la structure de l’ADN ? Finalement beaucoup d’améliorations mais rien d’essentiel. Les “nouveaux” produits devaient donc démontrer à la fois le plus de leur action et leur non-nocivité après des centaines de millions dépensés pour protéger la population d’effets secondaires désastreux immédiats ou futurs. 

La satisfaction des actionnaires privilégiée

On a donc assisté à une dérive des firmes pharmaceutiques, à l’origine possédées par des hommes de science convertis à la production et à la vente, vers des immenses conglomérats visant les revenus gigantesques de produits phares (blockbusters) pour satisfaire des actionnaires à la fois avisés et avides. On a changé de dirigeants, de stratégies et d’objectifs.

Les pères fondateurs de Sanofi partis (Jean-René Sautier et Jean-François Dehecq), alors qu’ils avaient fini par regrouper la quasi-totalité de la pharmacie nationale, l’entreprise est devenue un géant financier préoccupé essentiellement de la rentabilité pour ses actionnaires. Le virage pris en 2008 et 2010 a conduit à des changements fréquents de dirigeants, à une mondialisation assumée et à une stratégie hésitante. C’est ainsi que dans le domaine des vaccins la vente de la santé animale « Mérial » que Mérieux avait développé à Lyon a démontré une méconnaissance profonde du monde de la vaccination et de la biologie qui s’intéresse au vivant qu’il soit animal ou humain. L’unité vaccins humains restait une référence mondiale, compte tenu de la réputation universelle de Pasteur et Mérieux, mais les nouvelles technologies se développaient en dehors des grandes cathédrales dans les start-ups de « Biotech » qui fleurissaient à travers le monde, mais pas beaucoup en France. Ainsi pour faire brillamment ses travaux de recherche Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de Chimie 2020 a dû s’expatrier, de même que beaucoup de chercheurs français. 

Manque d’écoute des communautés scientifiques et des argentiers pour les travaux non conformistes autour de la génétique, frilosité, principe de précaution, anathèmes… et lorsque quelque chose d’intéressant semblait près de l’éclosion, il valait mieux franchir le Rhin ou l’Atlantique ! Sanofi vaccins est donc resté dans sa ligne classique. Les avancées timides vers d’autres horizons n’entamaient jamais les certitudes de la  compétence historique illimitée des méthodes classiques. 

Sanofi doit se relever

L’histoire des vaccins s’est donc déroulée depuis dix ans en dehors d’une volonté nationale forte d’être sur tous les fronts et de rester les meilleurs du monde grâce à une réputation de sérieux mais aussi au soutien de l’innovation, de l’invention, du génie, de l’anticonformisme, qui ont fait la réputation séculaire de la science et de la technique françaises dans tous les domaines. La taille et les moyens financiers de Sanofi lui auraient permis de poursuivre ses travaux sur les vaccins dits sous -unitaires en poussant aussi les adénovirus comme les ARN messagers qui étaient étudiés par d’autres, mais cela n’a pas été le cas. Et pour la première société mondiale de vaccins, après l’abandon du vaccin animal c’est un échec qu’il faut assumer si on souhaite s’en relever. On ne peut pas dire, attendez, on va voir, peut-être mon vaccin a du retard, il sera meilleur, moins cher et plus universel. La pandémie actuelle était une hypothèse sur laquelle le monde entier travaillait, en particulier à Boston depuis plus de dix ans. Le coronavirus précédent avait été un avertissement que tous les scientifiques connaissaient. Si on voulait rester les premiers mondiaux il fallait travailler dans toutes les directions et avec les promoteurs des Biotech dont certains, d’ailleurs, comme Tal Zaks directeur médical de Moderna, étaient issus de Sanofi, comme son Président Stéphane Bancel de l’Institut Mérieux ! Pour éviter le drame actuel économique et social un vaccin était la seule possibilité, un vaccin français imaginé en France et financé chez nous aurait donné une priorité sanitaire au pays. Force est de constater que c’est le désormais ancien Président des Etats-Unis qui a décidé de « mettre le paquet » pour son pays sur les nouvelles technologies de vaccins qui redonnent l’espoir à son pays d’abord, puis à l’ensemble du monde de sortir de cette torpeur mortifère qui finit par anémier les humains et leurs œuvres. 

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Pour réussir un industriel doit être là au bon moment avec le bon produit, il est inutile de se chercher des excuses, et faire le retour d’expérience est alors une nécessité si on ne veut pas poursuivre dans la répétition des échecs: le plan de relance de l’économie montre bien l’insuffisance de réflexion sur ce qu’est l’industrie. On peut mettre beaucoup d’argent et échouer, l’essentiel est dans l’inventivité, l’innovation, dans la capacité de sortir des sentiers battus, de se remettre en question, tout le contraire du conformisme et de la précaution dans laquelle la société française s’enlise comme certaines de ses entreprises… hélas !  

Par ailleurs dans cette pandémie où le taux de mortalité reste faible comparé à celui des grands désastres historiques, la perspective de revenir à un fonctionnement social acceptable ne peut venir que d’une vaccination générale et donc d’une entraide de tous les pays et de toutes les entreprises. Aussi, on comprend donc tout à fait que Sanofi se mette à la disposition de Pfizer pour conditionner ses vaccins. Et ils pourraient faire de même pour Moderna ou Astra-Zeneca.



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Industriel, consultant, auteur, chroniqueur, bloggeur. Dernier ouvrage 'Pour une France Industrielle

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