C’est bientôt la fin de l’été. Le temps des tongs et des parasols sera bientôt révolu. L’occasion d’interroger un ennemi déclaré des vacances, que les fins lettrés auront déjà reconnu. Dans les milieux autorisés, comme disait Coluche, tout le monde connaît Alain Paucard, « de Paris », qui ne quitte jamais son XIVe arrondissement. L’auteur du Cauchemar des vacances (L’Âge d’homme, 1993) exècre le tourisme depuis toujours. Entretien avec un membre émérite du Club des ronchons.
Lucien Rabouille. Rassurez-moi, l’auteur du Cauchemar des vacances (L’Age d’homme, 1993) n’en a pas pris cette année ?
Alain Paucard[tooltips content=’Essayiste et romancier, Alain Paucard est membre du Club des Ronchons.]1[/tooltips]. Evidemment que non, petit gars, tu m’as regardé ? Au fait, c’est vraiment Lucien Rabouille ton blase ? Putain, ça fait balzacien…
Eh oui, c’est mon vrai nom. Mais revenons à vous. Ne trouvez-pas le temps long en restant chaque été à Paris ?
Si car il y a un crime qui se commet chaque année : la fermeture de la Cinémathèque. Avec le pognon qu’ils ont aujourd’hui, ils trouvent le moyen de fermer un mois alors qu’avant où ils n’avaient pas un sou, ils ouvraient tout l’été. Sur la Nationale 20, il y a trois villes : Serrés, Célon et Tendu. A mon âge, les vraies vacances, ce serait de renouer avec ça.
Je retrouve bien là le membre du Club des ronchons. Pourquoi ne pas partir au lieu de maugréer ?
Pourquoi un homme est-il attiré par les blondes ou les brunes ? Moi, les vacances m’ennuient. Deux choses m’ennuient : ce grand accroupissement des gens et des situations et les voyages.
J’ai lu avec un peu de retard La société du spectacle de Debord. Il écrit que le touriste se contente d’aller vérifier sur place si ce que dit le dépliant est vrai. Et aujourd’hui, avec Internet et la télévision, on n’a même plus besoin de se déplacer. Le tourisme de masse est un destructeur de civilisation. Cocteau a dit un jour que tout ce qu’on écrit finit par arriver. En 1967, il y a Raymond Borde, le conservateur de ma cinémathèque de Toulouse et ancien surréaliste, qui a publié un livre qui s’appelle L’extricable. Il écrivait dedans qu’on finirait par construire, écoute bien ça, un Luna Park dans la Beauce.
Qu’est-ce que c’est ?
T’es jeune, tu ne sais pas ce que c’est bien évidemment. C’était une sorte de fête foraine permanente à l’endroit du Palais des congrès. Extraordinaire, le Luna Park dans la Beauce est arrivée avec Disneyland qui prétend servir les mythes et traditions françaises et européennes. Alors que le château de la Belle au Bois dormant, on peut le visiter à Pierrefond où les créneaux sont probablement de Viollet-le-Duc.
Pour prendre un autre exemple, les Egyptiens, pour protéger les pyramides, devraient leur substituer des pyramides gonflables qu’on dégonflerait tous les soirs et qu’on regonflerait le lendemain… Le touriste n’y verrait que du feu !
Le touriste, parlons-en. Comment le définiriez-vous ?
C’est quelqu’un qui a une obligation de touriste, qui est conditionné pour acheter une tenue de touriste, des instruments de touriste : short beige, socquettes noires dans des pompes de ville, bourses complaisamment désignées à l’attention des pick-pockets à la ceinture. Toutes les variétés possibles d’appareil photo. Le touriste croit avoir une mission touristique qui est de s’intéresser aux autres sociétés alors que fondamentalement, il s’en fout complètement.
Où est passé le Paucard communiste ? Les congés payés, ça soulage le peuple…
Pas du tout. A partir du moment où « on », c’est à dire la bourgeoisie et le patronat, a octroyé des congés au populo, on a récupéré d’une main ce qu’on lui donné par les vacances et le tourisme.
En fait, les congés payés sont certes obtenus en 1936 contre les milieux industriels mais ils vont créer une nouvelle industrie. Les congés payés sont devenus les congés payants !
De plus en plus d’ouvriers et de chômeurs renoncent à partir en vacances mais cela ne semble pas vous réjouir…
Rien ne me plait dans l’avenir. Je suis plus près de ma mort que de ma descendance. Les gens se démerderont. Mes parents qui ont connu l’Occupation, ont finalement connu quelque chose de plus discernable. L’ennemi était en uniforme. On vit aujourd’hui dans une société qui allie les islamistes aux tours opérators.
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