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C’était écrit: urinoirs, l’envie en rose

C'était écrit, la chronique de Jérôme Leroy


C’était écrit: urinoirs, l’envie en rose
(c) Caro /Sorge/SIPA/2006162128

Si la réalité dépasse parfois la fiction, c’est que la fiction précède souvent la réalité. La littérature prévoit l’avenir. Cette chronique le prouve.


 

L’été dernier à Rennes, l’installation d’urinoirs uniquement masculins dans la ville avait indigné les victimes privées de pause-pipi à l’air libre. L’injustice est désormais réparée.

Un des principaux obstacles à l’égalité homme-femme reste la manière de faire pipi, notamment en milieu urbain. Les femmes ne peuvent même pas se consoler en pensant à Vespasien qui a laissé son nom à une invention que tout le monde connaît et en avait fait une source de revenus en imposant les mictions masculines comme nous le rappelle Suétone : « Son fils Titus lui reprochait d’avoir mis un impôt sur les urines. Il lui mit sous le nez le premier argent qu’il perçut de cet impôt, et lui demanda s’il sentait mauvais. Titus lui ayant répondu que non : “C’est pourtant de l’urine”, dit Vespasien. » Mais malgré tout, cela reste une maigre consolation quand l’envie se fait vraiment pressante. Soucieuse d’en finir avec cette injustice, la ville de Rennes, apprend-on par Ouest France et France 3 Bretagne, a décidé d’expérimenter des urinoirs féminins collectifs. Les dames pourront s’asseoir presque face à face et côte à côte à la fois dans un prototype en forme d’hélice, « récompensé d’une médaille d’or au concours Lépine de 2019 »

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L’installation est hélas d’une couleur rose bonbon, ce qui est, on en conviendra, scandaleusement genré. L’inventeure (-trice ? ; -teuse ?) Gina Perier fait contre mauvaise fortune féministe bon cœur commercial : « On sait que c’est un cliché, c’est la couleur des femmes. Mais quand on met une innovation sur le marché et qu’il faut communiquer le fait que c’est destiné aux femmes, c’est utile de se servir des clichés. » Sans compter que le comble du sexisme est ailleurs sur cette question, si l’on y songe. Pourquoi, en effet, alors qu’elles ont tant de mal à faire leurs besoins dans l’espace public, ce sont elles qui forment le gros du contingent des dames pipi, comme l’indique le nom de cette profession qui n’a pas son pendant masculin ? Et on se souviendra, chez Proust, de la dame pipi des Champs-Élysées, ancienne marquise, qui a des bontés pour le narrateur enfant : « Cette marquise me conseilla de ne pas rester au frais et m’ouvrit même un cabinet en me disant : “Vous ne voulez pas entrer ? En voici un tout propre, pour vous ce sera gratis.” »

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Au moins, grâce à la ville de Rennes, ces dames pourront parler ensemble pendant ce moment de soulagement, comme le font les hommes qui échangent souvent à cette occasion des informations capitales. Et bientôt, elles aussi pourront connaître la véritable émancipation entrevue par Bardamu, dans Voyage au bout de la nuit, quand il découvre New York et ses toilettes publiques : « Entre hommes, comme ça, sans façons, aux rires de tous ceux qui étaient autour, accompagnés des encouragements qu’ils se donnaient comme au football. […] Découverte du joyeux communisme du caca. » On a hâte…

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Article extrait du Magazine Causeur




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