Dès la première année à l’université, plus des deux tiers des étudiants sont d’ores et déjà sélectionnés.
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La loi ORE met en place des « attendus » non sélectifs pour les bacheliers : expression écrite et orale, analyse et synthèse de texte, aptitude au travail autonome, le tout sans examen éliminatoire. En cas d’insuffisance, les élèves suivront une remise à niveau. Le texte prévoit bien une sélection, mais quasiment sur le mode du tri mécanique : certaines filières, prises d’assaut et offrant peu de places, devront choisir les élus sur dossier.
Une sélection franche aurait-elle choqué la jeunesse ? Pas sûr. Selon un sondage IFOP d’octobre 2017, 80 % des jeunes se déclarent favorables à l’instauration de prérequis pour intégrer une filière universitaire. Leur position se comprend d’autant plus que la sélection à l’entrée du supérieur est déjà une réalité, pour les deux tiers des inscrits en première année ! En 2015-2016, on recense 2,5 millions d’inscriptions dans le supérieur. L’Université proprement dite représente 62 % du total, soit 1,6 million. Les autres sont en BTS, en classe préparatoire, en école d’ingénieur, à Sciences-Po, etc. Ils ont été sélectionnés, sur dossier ou concours. Resterait-il 60 % de non-sélectionnés ? Pas du tout, car l’Université compte aussi des filières sélectives. En 2015-2016, il y avait 116 000 étudiants en DUT, choisis sur dossier, et 450 000 dans les universités privées, Catho de Lille ou d’Angers, qui sélectionnent ! En y ajoutant les 309 000 étrangers inscrits en France, eux aussi sélectionnés, le constat est très simple. Le libre accès est d’ores et déjà largement minoritaire. Il concerne exactement 718 200 inscrits sur 2,5 millions.
Sélectionnés contre la sélection
« Vous êtes assis sur les marches, mais n’ayez crainte, vous aurez de la place dans un mois. » Quel nouvel étudiant fraîchement débarqué en lettres ou histoire n’a pas entendu cette phrase ? Probablement ceux des universités privées. Dans le public, les amphis se vident très vite. Les enquêtes du ministère de l’Enseignement supérieur concluent à un taux d’abandon assez stable depuis des années, de l’ordre de 30 % des inscrits. Autrement dit, les étudiants « sélectionnés », déjà majoritaires à la rentrée, le sont encore plus à Noël, par désertion des « non-sélectionnés » ! Les opposants à la loi ORE peuvent-ils vraiment ignorer ces évidences ? « L’Appel du 20 janvier », devenu une pétition contre la réforme, a été lancé par l’Association des sociologues enseignants du supérieur (ASES). Le pedigree des membres de son conseil d’administration laisse songeur. La plupart des administrateurs qui refusent la sélection enseignent dans des filières sélectives ou en sont issus. Sarah Abdelnour est diplômée de Normale-Sup, Samuel Bouron est maître de conférences à Dauphine, Christel Coton enseigne au Centre européen de sociologie et de science politique de l’École des hautes études en sciences sociales, etc.
La loi Faure sur les universités ne prévoyait aucune sélection à leur entrée. Toutefois, elle postulait un baccalauréat sélectif et, surtout, une gestion sérieuse. Dans ses mémoires, De Gaulle dit de cette loi qu’elle vise à bâtir des établissements cogérés par les « professeurs, administrateurs, étudiants » qui devront « ou bien fonctionner comme il faut, ou bien fermer leurs portes et cesser de gaspiller le temps des maîtres et des disciples ainsi que l’argent de l’État ».
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