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Uniforme à l’école? Osons un référendum!


Uniforme à l’école? Osons un référendum!
Photo : Jean-Paul Brighelli

Notre chroniqueur, en voyage d’étude au Japon, a été frappé par l’impression de sérieux, de calme et de ténacité qui émane de tous ces écoliers, collégiens et lycéens nippons vêtus d’uniformes variés mais toujours impeccables. Un modèle pour la France, avec quelques aménagements? Mais comment l’imposer, dans un pays qui croit que le débraillé est le symbole premier de la liberté?


Les règles sont strictes, au Japon. Collégiens et lycéens portent un uniforme. À chaque école le sien, mais les règles sont immuables. Pour les garçons, veste / pantalon / chemise (blanche) / cravate. Pour les filles, jupe noire ou bleue, parfois plissées / chemisier (blanc ou bleu ciel) / cravate ou courte lavallière. Le choix des chaussures est globalement laissé libre, les autorités ayant sans doute déduit qu’à cet âge, on change sans arrêt de pointure, et qu’il serait vain de faire porter des souliers vernis à ces demoiselles.

En revanche, on leur impose le binôme chaussures / chaussettes (ou socquettes), le port de collants étant rigoureusement proscrit. Ajoutons pour être complet que quelques écoles (fort rares) autorisent le port du pantalon pour les filles.

Seule une loi peut imposer l’uniforme. Pas une loi directement descendue de la rue de Grenelle, qui serait immédiatement contestée, mais une loi issue de la volonté populaire

Les uniformes masculins (non, il n’y a aucune tolérance pour les non-binaires…) vont du complet-veston classique au blazer à l’anglaise, en passant par la veste militaire à boutons dorés et col officier. Les filles ont souvent des cols marins.
Évidemment, les professeurs sont habillés avec la même rigueur. Ça fera grincer bien des dents en France, où il suffit de porter une robe un peu habillée pour se faire regarder bizarrement dans les salles des profs — ou dans la cour du collège.

Pour être complet, les tatouages visibles sont interdits (ils sont de toute façon très mal vus au Japon, où ils sont l’apanage des yakuzas, qui n’ont pas bonne réputation), et les piercings également : on repère les touristes étrangers à l’anneau que certaines se sont fait passer sous le nez, comme des vaches que l’on mène au pré.

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Quant aux cheveux, ils sont généralement courts, un carré avec une frange. Et s’ils sont longs, ils doivent être attachés en queue de cheval — mais pas de tresses, considérées apparemment comme des instruments contondants. En aucun cas ils ne seront teints.

Une contrainte librement acceptée

Ajoutons que le port de l’uniforme apparaît comme une contrainte librement acceptée, dont on se débarrasse dès que l’école est finie : les jeunes Japonaises, dans la rue, arborent les vêtements de leur choix, jupes longues à taille haute (ça allonge quand on est petite), pantalons de tous styles (j’ai vu très peu de jeans), dentelles de toutes les couleurs — jusqu’au noir des gothiques japonais. L’uniforme, contrairement à ce que pensent certains n’uniformise pas du tout les esprits. Je crois même qu’il libère, par contrepoint, les forces vives de l’imagination.


Hantant de hauts lieux du tourisme où l’on amène visiblement les classes à la découverte des trésors nationaux, je n’ai jamais vu les élèves en sortie scolaire tenir un portable à la main — sauf pour photographier les monuments, ou immortaliser la balade entre eux. L’usage en est strictement interdit — et c’est une excellente chose, on voit trop souvent en France des élèves rivés à leur écran au lieu de profiter des richesses culturelles qu’on leur fait découvrir.

Loin de moi l’idée de japoniser la France. Mais puisque certains réclament aujourd’hui le « retour à l’uniforme » en classe, examinons les faits, et les possibilités.

Et d’abord, sachez que l’uniforme, en dehors des écoles privées religieuses où jupe plissée / chemisier blanc et vernis étaient de rigueur, n’a jamais été imposé, quoi qu’en pensent certains. On portait des blouses parce qu’on écrivait à l’encre, afin de ne pas tacher les habits. Et c’est tout.

Mon opinion personnelle ne compte pas. Mais il est évident qu’un uniforme éviterait les surenchères de « sape » — et, pour corollaire, le racket vestimentaire. Cela éviterait aussi les discussions byzantines sur le port de tenues communautaristes… La jupe plissée contre l’abaya, beau sujet de réflexion, non ?

Bien sûr, chaque établissement serait libre de choisir l’uniforme de son choix. L’important est qu’il y en ait un.
Et seule une loi peut imposer l’uniforme. Pas une loi directement descendue de la rue de Grenelle, qui serait immédiatement contestée par des opposants en quête de démagogie, mais une loi issue de la volonté populaire. Voilà un beau sujet de référendum.

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Mais enfin, m’objecteront certains ! Ce sont les plus de 18 ans qui décideront de ce que porteront les mineurs ? Oui, parfaitement : les parents décident et les enfants obéissent. Que certains (les mêmes) pensent le contraire prouve assez que nous sommes entrés dans une ère de permissivité, de laisser-aller et de décadence Il faut rompre avec la dictature de l’enfant-roi et du grand n’importe quoi.

Un puissant levier permettant de relancer notre industrie textile

Admettons que la majorité ait plébiscité l’imposition d’un uniforme. Reste la question pratique : comment le payer ?

Je serais partisan d’une solution mixte : les parents l’achètent, et les villes / départements / régions le co-financent, par exemple sous forme d’un bon d’achat strictement réservé à cela.

Et j’aimerais assez qu’un ministère capable de prendre des décisions impose pour ces uniformes une fabrication française. Avec plus de 12 millions d’élèves à vêtir chaque année, il y a là de quoi ranimer une production hexagonale détruite par une politique mondialisée et par des industriels plus pressés d’acheter des sous-produits sino-pakistanais que d’habiller correctement leurs concitoyens. Nous étions leaders dans l’habillement, grâce à des efforts continus commencés sous Colbert. Nous pouvons le redevenir, avec une incitation puissante. Et la mise en fabrication d’uniformes scolaires serait un beau levier de renaissance. Gens du Nord qui avez connu la Lainière de Roubaix, et La Redoute, faites-vous entendre !

Pour le reste — coiffure, tatouages, etc. —, les conseils d’administration des établissements, au lieu de se lancer dans des surenchères de démagogie, seraient bien inspirés d’édicter des règles claires et rigides.

Quant aux portables, ils sont en théorie interdits. Ils devraient être confisqués — et rendus aux parents sur convocation — pour tout usage privé dans l’enceinte scolaire. Cela fera le plus grand bien à ces jeunes cervelles décervelées par les écrans.

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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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