Pour faire passer l’idée de l’expérimentation de l’uniforme scolaire auprès des enseignants (et de l’idéologie de gauche…), l’argument de la lutte contre les inégalités à l’école est sans cesse avancé. Mais, en réalité, le principal objectif recherché est le retour d’un climat scolaire serein et propice aux apprentissages, rappelle notre contributeur, directeur d’école directement concerné.
Le sujet de la tenue vestimentaire des élèves fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Il semblerait d’ailleurs que ce soit les opposants à l’uniforme qui aient davantage voix au chapitre que ceux qui sont favorables à une tenue commune pour les élèves. À lire les nombreux articles, les multiples invectives lancées aux supposés visages de l’extrémisme réincarné au travers du vêtement scolaire, cela doit tout de même secouer une bonne partie de l’échiquier politique, surtout du côté bien-pensant, évidemment !
La gauche moralisatrice et adoratrice de la différence ayant remplacé la gauche républicaine et patriote d’antan, c’est sur le sujet des inégalités que porte principalement le débat. Et c’est bien là le problème, car ce n’est pas le principal objectif de l’expérimentation de la tenue commune proposée par le gouvernement. Bien sûr, il s’agit d’exprimer à grands cris que l’uniforme ne masquera pas les inégalités entre enfants, qu’elles réapparaîtront davantage ailleurs, avec les autres vêtements, manteaux, chaussures… ou dans les accessoires comme les montres. Ceci est partiellement vrai et ce n’est pas le point qui intéresse prioritairement dans le port d’une tenue commune à l’école.
L’autre « inégalité » dont la presse de gauche ne parle jamais
D’ailleurs la communication officielle du ministère de l’Education nationale reprend cet argument sans le mettre au premier plan dans le guide destiné à encadrer la mise en place de la mesure :
« Cette démarche vise en tout premier lieu à renforcer la cohésion entre élèves et à améliorer le climat scolaire. […] C’est aussi un moyen de valoriser l’image de l’école et de l’établissement en créant un sentiment d’appartenance et d’unité entre les élèves. Il peut offrir des conditions de socialisation où les différences sociales se réduisent et permet de lutter contre le règne de l’apparence, trop souvent source de souffrances d’enfants et de familles. En cela, il facilite les relations entre les élèves, les familles et les enseignants et contribue à créer un climat scolaire propice au bien-être et à la réussite scolaire de chaque élève en lui permettant de s’épanouir au sein d’une école à l’abri de toutes formes d’inégalités et de prosélytisme. »
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Et sur le site ministériel, https://www.education.gouv.fr/tout-savoir-sur-l-experimentation-d-une-tenue-vestimentaire-commune-l-ecole-380643 :
« Destinée à réduire les différences sociales, à lutter contre le règne de l’apparence et contre toutes formes d’inégalités et de prosélytisme, l’expérimentation doit permettre de :
-Renforcer la cohésion entre les élèves
-Améliorer le climat scolaire
-Contribuer à créer une atmosphère de travail et d’égalité au sein de l’établissement
-Valoriser l’image de l’école et de l’établissement en créant un sentiment d’appartenance et d’unité entre les élèves. »
Nous voyons bien qu’il ne s’agit pas de masquer les inégalités entre enfants, mais bien de les réduire, et de les laisser à une place qui ne serait plus prépondérante au sein des établissements scolaires et des relations entre les élèves.
Si certaines inégalités sont légitimement déplorables dans notre système scolaire, c’est surtout celles qui touchent l’enseignement dispensé par les professeurs qu’il convient de combattre à l’école car elles entérinent celles des élèves qu’un enseignement d’égale valeur pourrait atténuer, selon leurs capacités réelles et non selon leurs lieux ou conditions de naissance. Ainsi, les vraies inégalités qui écrasent toutes les autres à l’école sont bien qu’à certains endroits un apprentissage est possible alors qu’il ne l’est pas ailleurs. Ou formulé autrement, pourquoi certains enseignements ne portent pas partout en France à l’élévation aussi haut que possible de tous les élèves en capacité de réussir.
Ordre et tenue !
Alors les chantres de l’égalitarisme nous disent que l’uniforme n’y pourra rien. Evidemment si nous regardons les conséquences sans questionner les causes, en effet la tenue commune ne réglera pas le problème de l’inégalité des apprentissages dispensés dans l’école de la République française. Mais si nous daignons nous intéresser à certaines causes, nous trouvons principalement deux aspects, l’un concerne les professeurs eux-mêmes, leurs compétences, leurs savoirs, donc leurs formations très inégales, bien souvent assez inachevées ; l’autre dépend des enfants que nous accueillons et qui parfois, ou souvent selon les endroits, sont très difficilement élèves. Là, l’uniforme a toute sa place dans le cadre qu’il convient absolument de remettre pour de nouveau donner du sens à la présence à l’école de tous les enfants. En passant le portail de l’école, l’enfant doit devenir élève et savoir que la connaissance est au centre de l’école. La tenue vestimentaire commune peut y aider. Il s’agit de remettre de l’ordre et de la tenue justement, là où malheureusement règnent bien souvent le désordre et la désinvolture.
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L’école, ce n’est pas Mac Do, on n’y vient pas comme on aime, ce n’est pas aux enfants de choisir leurs apprentissages. Il est donc de bon ton d’effectuer une distinction nette entre les temps de l’élève à l’école et de l’enfant au centre de loisirs. Qu’ils ne soient pas habillés de la même façon peut tout à fait les aider à faire la différence entre ces deux moments de leur vie, bien souvent dans les mêmes locaux, ou très proches les uns des autres.
L’élève est là pour apprendre, les enseignants adaptent leurs apprentissages de façon que chaque élève puisse les recevoir. Aux enfants de faire l’effort d’être élèves, l’uniforme peut faciliter l’établissement d’un climat serein, propice au sérieux et au travail scolaire. Aux enseignants de faire le reste, notamment œuvre de pédagogie pour élever les êtres en devenir au plus haut de leurs capacités. Mais il convient au préalable d’avoir des élèves face à soi, d’avoir des êtres disposés à recevoir le savoir que les professeurs doivent transmettre, et donc maîtriser auparavant, bien entendu. Nous revenons au premier point, celui des inégalités d’enseignements…
Ainsi, pour conclure, il serait sincèrement souhaitable que les débats à propos de la tenue scolaire soient sérieux et apaisés, dans un climat serein, car il est incroyable de voir ce qu’ils véhiculent comme inepties en plus d’être inutilement agressifs et moralisateurs. L’idéal serait d’agir sur les deux tableaux en même temps, remettre du cadre en quelque sorte à tous les niveaux. Favoriser le devenir élève du côté des enfants en développant tous les éléments constitutifs du cadre, car la tenue n’en est qu’un, comme le langage, l’assiduité, la ponctualité, la politesse, et bien sûr le premier d’entre eux : le respect. Dans le même temps, former réellement les enseignants à leur métier en travaillant conjointement dans deux directions : les connaissances pures à maîtriser et les gestes professionnels à acquérir. Une formation en alternance serait bienvenue. Quoi qu’il en soit, saisissons l’opportunité et expérimentons la tenue commune à l’école, vivons-la, évaluons-la et concluons ensuite sur ces effets, au lieu de jeter le bébé avec l’eau du bain et continuer de regarder impassiblement notre école s’effondrer davantage chaque année.