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UNEF: le hijab de Maryam Pougetoux est un symbole politique

Elle ne porte pas "un" hijab, elle porte "le" hijab


UNEF: le hijab de Maryam Pougetoux est un symbole politique
Le voile de Maryam Pougetoux, responsable de l'UNEF ©STR / AFP

Qu’elle le veuille ou non, la décision de la déléguée de l’UNEF, Maryam Pougetoux, de porter le voile dans l’exercice de ses fonctions n’est pas un acte anodin.


Le port du hijab, ou plutôt d’un hijab, par la jeune Maryam Pougetoux, déléguée de l’UNEF, a entraîné moult réactions stupides et pétries de mauvaise foi, mais aussi, et c’est heureux, quelques interventions de grande qualité – quoi que sur certains points imprécises.

Comme à l’accoutumée, Laurent Bouvet d’une part et d’autre part Raphaël Enthoven, accompagné de Marylin Maeso, se sont montrés pertinents, mesurés, intellectuellement honnêtes et respectueux des règles d’une discussion civilisée malgré leurs désaccords. Ce qui est bien la marque d’une véritable disputatio philosophique, ou plus simplement d’un sain débat démocratique.

Laurent Bouvet a raison

Ouvrant le bal, Laurent Bouvet a souligné l’étrange « convergence des luttes » que représente de prime abord une déléguée de l’UNEF voilée. On lui a fait maints reproches infondés, quand il ne s’agissait pas d’attaques indignes, voire d’odieuses tentatives d’intimidation. Avec dignité, il a tenu bon et explicité son analyse.

Raphaël Enthoven et Marilyn Maeso ont alors, eux aussi, pu préciser certaines de leurs critiques. En particulier, tous deux mettent en avant le fait que le port du hijab ne s’accompagne pas nécessairement d’un soutien idéologique à l’islam politique, ce en quoi ils ont raison. C’est pourquoi j’ai commencé cet article en distinguant le port du hijab, ce qui sous-entendrait que ce vêtement aurait une signification unique, et le port d’un hijab, plus neutre quant aux interprétations à en donner. Cette nuance n’est pas que sémantique.

Et pourtant. Sur l’essentiel, c’est bien Laurent Bouvet qui a raison.

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L’argument de Raphaël Enthoven et Marylin Maeso serait parfaitement valable, et je le soutiendrais sans réserve, s’il s’appliquait à une musulmane anonyme, vivant sa foi en dehors du champ politique. Il est d’ailleurs tragique que les femmes qui choisissent de porter un hijab pour des raisons parfaitement honorables se voient confisquer ce symbole par les islamistes. Ce n’est justement plus un hijab, c’est le hijab. C’est regrettable, mais c’est ainsi !

Complicité voilée

Et Maryam Pougetoux ne peut pas ignorer que le hijab a désormais une signification politique, même si cette signification ne correspond pas forcément aux convictions de toutes les femmes qui le portent. Déléguée de l’UNEF, ayant choisi d’exercer des fonctions politiques et publiques, elle ne peut pas faire abstraction de cette signification. Ce n’est peut-être pas le sens qu’elle-même donne à ce symbole, c’est néanmoins celui qu’il a pour la plupart des gens, y compris des musulmans de sa génération – il suffit de lire les argumentaires qu’ils développent pour ou contre le port du voile pour s’en convaincre.

Sachant tout cela, le choix de Maryam Pougetoux d’arborer un hijab dans le cadre de son mandat n’est pas neutre, et ne relève pas uniquement de sa foi et de son for intérieur. Parce qu’elle exerce le mandat qui est le sien, ce qu’elle porte n’est pas un hijab, mais le hijab. Il est certes impossible de lire dans ses pensées, mais il n’est pas interdit de lui rappeler ses responsabilités politiques !

En l’espèce, même si elle ne le veut peut-être pas, elle apporte son aide aux islamistes, au minimum en offrant visibilité et crédibilité à l’un de leurs principaux étendards, et en incitant à croire que ce qu’il représente en général serait compatible avec les valeurs de la République – ce qui n’est absolument pas le cas.

Porter un œillet rouge à la boutonnière n’a pas forcément de signification politique. Porter un œillet rouge à la boutonnière au Portugal en 1974, en revanche… Et pourtant, il y avait probablement des partisans de Salazar qui arboraient parfois cette décoration !

L’islamophobie, un concept simpliste

Par ailleurs, Raphaël Enthoven souligne à très juste titre que l’islamophobie n’est absolument pas un racisme, son argumentaire est d’une clarté bienvenue et les exemples qu’il donne pour l’illustrer sont excellents.

En revanche, il se trompe en employant indifféremment « islamophobie » et « détestation de l’islam ».

L’islamophobie est, étymologiquement, la peur de l’islam. Dans ce sens, et dans ce sens seulement, on peut éventuellement dire que Laurent Bouvet serait « islamophobe », dans la mesure où il considère que l’islam représente un danger – encore faut-il préciser que ce n’est pas « l’islam » qu’il analyse comme dangereux, mais certains courants au sein de l’islam, ce qui suffit pour voir dans le qualificatif  d’  « islamophobe » une simplification abusive de ses positions.

De plus, rien dans ce que j’ai pu lire ou entendre venant de Laurent Bouvet ne me semble accréditer la thèse selon laquelle il « détesterait » l’islam. Identifier que quelque chose est dangereux ne signifie pas nécessairement le détester. Je sais que les tigres mangeurs d’hommes sont dangereux, mais je ne les déteste pas, et je considère même que leur disparition serait dramatique – même si j’accorde la priorité à la sécurité de leurs proies plutôt qu’à la leur, je ne désespère pas qu’il soit possible de concilier les deux.

Autant que faire se peut, soyons précis jusqu’au bout.

Macron a-t-il une opinion ?

Et puisqu’il s’agit de précision, je ne peux que déplorer que Valérie Toranian, dans un article par ailleurs remarquable sur ce sujet, compte Rokhaya Diallo au nombre des « militants antiracistes ». C’est en effet ainsi qu’elle aime se présenter, mais ce n’est que l’usurpation d’un noble titre, et le détournement d’une noble cause. Tout comme Danièle Obono et Houria Bouteldja, Rokhaya Diallo cherche à promouvoir un racialisme qui, par son rejet de l’universalité de la condition humaine et sa pratique des assignations identitaires, sans compter sa hiérarchie des races faisant des « Blancs » les coupables ontologiques de tous les malheurs du monde, est un véritable racisme.

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Au final, outre la confirmation de la valeur des uns (même si leurs avis divergent) et de la mauvaise foi des autres, cette polémique aura eu le mérite de mettre en évidence le flou de notre gouvernement sur la laïcité et l’islam politique. Or, sur des sujets aussi importants, un tel flou est au mieux une marque d’irresponsabilité et d’incompétence, au pire une trahison.

Marlène Schiappa a eu les propos qui convenaient. Aurélien Taché, en revanche, ne voit pas le problème. Si Emmanuel Macron était sincère lorsqu’il disait, le 15 avril : « Ce voile n’est pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays. C’est-à-dire au rapport qu’il y a entre les hommes et les femmes dans notre pays », qu’attend-il pour recadrer le « monsieur laïcité » de son propre parti ?

A moins bien sûr qu’il n’ait pas été sincère…



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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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