L’association Republican Overseas se réunissait hier soir à Paris, dans l’attente du résultat de l’élection présidentielle américaine.
Une internationale trumpiste. Qui l’eut cru ? Mardi d’élection, à l’étage d’un restaurant italien du quartier de Saint-Germain-des-Près, ils sont quelques dizaines réunis par l’association Republican Overseas qui regroupe les citoyens américains membres du parti républicain expatriés. Le président de la section française, Randy M. Yaloz, nous accueille avec le sourire des grands jours. Il est 22h. Les premiers résultats arriveront vers 1h du matin. Est-il confiant ? « Je n’aurais pas organisé cette fête, si ce n’était pas le cas. Beaucoup m’ont demandé d’organiser un évènement. En 2020, nous étions plus pessimistes. La situation post-Covid était chaotique et plusieurs erreurs avaient été commises pendant notre campagne… »
Pas de place au pessimisme
« Nous les Américains, on a une tendance pro-active : on agit d’abord, on réfléchit ensuite. Alors non, aucun pessimisme ! » assume David, rédacteur franco-américain. Les expatriés américains sont-ils un cœur de cible pour le parti républicain ? Profitant de la mondialisation, beaucoup résident en métropole et occupent des emplois qualifiés dans les services dans la capitale française…
Mais, on pourrait aussi voir en eux des électeurs type du… parti démocrate. « Beaucoup étaient encore hésitants en 2016 et 2020, mais ils viennent maintenant vers nous » assure Randy Yaloz. Comment l’expliquer ? « On subit la double taxation : l’impôt sur la citoyenneté américaine et l’impôt du pays résident ! Trump a promis de changer cela pour que nous ne soyons pas obligés de payer deux fois. Et son message a été entendu par beaucoup d’Américains vivant à l’étranger »
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Nostalgique Amérique
Cet enthousiasme, on le retrouve chez d’autres convives de la soirée. Des Américaines enjouées arborant les casquettes MAGA affichent ainsi toute leur confiance. Aimée, chef d’entreprise vivant en France depuis 1985, voit en « Donald », un des premiers politiques « qui ne fait pas carrière pour l’argent, mais par amour du peuple américain ». On entend souvent que la politique américaine fracture la société, oppose des voisins, brise même les familles. Qu’en est-il réellement ? « Je viens d’une grande famille. Ma sœur est républicaine comme moi, mais le reste est démocrate pur et dur… Mais, on s’aime quand même. » Camala (avec un C, précision importante ce soir) est violoniste, et voit en Trump « le protecteur du peuple américain ». Elle dit venir d’une famille conservatrice… « Religieuse ? » demande-t-on naïvement. « Je suis choquée que l’on puisse considérer la pratique religieuse comme un marqueur politique… Autrefois, tout le monde allait à l’église ! Démocrates comme républicains ». Lors de cette petite sauterie parisienne, la présence de nombreuses femmes quinquagénaires contredit le fameux « gender gap » dont parlaient les médias et que semblaient mesurer les sondages annonçant une mobilisation féminine exceptionnelle en faveur des démocrates… Du côté des bi-nationaux, on trouve Lorenzo, consultant dans le tertiaire: « Encore techniquement inscrit au parti démocrate », il nous dit être « en phase de transition ». L’homme a vécu à New-York, « avec une espèce d’interdit autour de la politique… il fallait être du bon côté. Cette omerta était pesante et m’a fait finalement évoluer. Je ne sais pas si je suis parfaitement républicain aujourd’hui, peut-être libertarien… Il y a en tout cas un terreau de valeurs communes entre nous, des conservateurs modérés jusqu’à certains démocrates libéraux classiques, même ». Un peu comme dans un roman de Philip Roth, les Américains présents ici sont avant tout des nostalgiques. Ils regrettent cette vieille pastorale américaine qui rassemblait les enfants d’Uncle Sam par-delà leurs différences politiques. Cette Amérique que décrivait Tocqueville organisée autour de la sainte trinité du dollar, de la Bible et de la Constitution – et dont les wokes déboulonnent les statues et brûlent les symboles. Le président des Republicans Overseas France s’autorise à formuler un message assez tendre pour ses compatriotes démocrates expatriés : « C’est une chose tout à fait nouvelle de considérer les chrétiens comme conservateurs. Cela n’a rien d’automatique. Auparavant, la plupart des Américains allaient à l’église, peu importe leurs idées politiques ». Nos trumpistes parisiens sont finalement assez loin du cliché de l’Américain haineux, armé, impatient d’en découdre avec l’adversaire démocrate dans une nouvelle guerre de sécession.
En France comme aux Etats-Unis, ces expatriés doivent aussi assumer la diabolisation : « Je suis d’une famille juive : il y a comme un conditionnement à voter à gauche quand on est juif new-yorkais… mais les actes anti-israéliens et antisémites des campus ont changé les choses. Voir Anne Sinclair, que je respecte par ailleurs, traiter l’élection américaine de manière aussi caricaturale à la télévision est désolant… » raconte Lorenzo.
Ces Français qui admirent Donald Trump
À l’étage, on trouve aussi les admirateurs français de Donald Trump. Des assistants parlementaires, quelques journalistes et aussi des gens ordinaires. Jenny, une Française quinqua, qui « travaille dans le wokistan » – entendez par-là « le monde de la culture et des médias » – soutient Trump car « elle en a marre » de devoir suivre dans un cadre professionnel « des ateliers sur la journée des pronoms où l’on se concerte pour savoir s’il faut mettre he ou him pour créer des safe space ».
Vers 23h30, ce sont des invités plus inattendus qui arrivent. Le leader souverainiste Nicolas Dupont-Aignan vient saluer les convives : « Le soutien de Robert F. Kennedy Jr (le fils de robert Kennedy et éphémère candidat indépendant à l’élection, NDLR) à Donald Trump a beaucoup compté. J’ai admiré son courage pendant la pandémie Covid ». Comment pourrait évoluer la relation franco-américaine, en cas de victoire de Trump ? « Je reste gaulliste… Les Français devront de toute façon défendre leurs intérêts ». L’ancien député de l’Essonne aurait pu croiser son alter ego souverainiste et opposant au passe sanitaire, Florian Philippot, qui est passé un peu plus tard. « Je reste tout à fait anti-américain », nous rassure le chef des « Patriotes » derrière une bannière Trump 2024. Son soutien est toutefois enthousiaste : « Je soutiens Trump. Il incarne la paix, la liberté d’expression, la rupture franche avec le système qu’incarne Kamala Harris et la domination impériale ». Et il se trouve des convergences politiques avec l’Américain : « Une élection de Trump permettrait d’assouplir la domination américaine. Il n’est pas attaché à l’OTAN ou l’UE. Cela tombe bien ; je veux sortir et de l’OTAN et de l’UE! »
Des expatriés, des indépendants, des anciens démocrates, des gaullistes, des bi-nationaux, des Français du quotidien : les effectifs sont encore modestes, mais cette internationale trumpiste pourrait étonner…
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