Une revue, une BD et un film 100% vieux schnock


Une revue, une BD et un film 100% vieux schnock
Philippe Noiret dans «Tendre poulet» (Photo : SIPA.00017032_000001)
Philippe Noiret dans «Tendre poulet» (Photo : SIPA.00017032_000001)

En arrière, toute !

On n’est pas bien là ! Sur la banquette d’une DS, la suspension hydropneumatique sous les fesses, un sandwich au salami à la main, papa double par la droite à fond la caisse, maman fume en gardant ses lunettes de soleil et la petite sœur chante à tue-tête du Delpech. Les Trente Glorieuses défilent dans leur joyeuse anarchie. La revue Schnock qu’on ne présente plus que dans les écoles de commerce pour décortiquer sa martingale marketing sort son 18ème numéro. Malgré sa majorité, elle a gardé les mêmes recettes, la même impertinence et ce goût pour nos années héroïques. C’était avant les ligues de vertu, le tri sélectif, les limitations de vitesse, le principe de précaution et les acteurs souillons. En couverture, un Philippe Noiret qui ressemble plus à un étrange croisement entre Jacques Attali et Pierre Desproges, du Carlos big bisou, des Brigades du Tigre avec leurs belles bacchantes et de la réclame en Cinérama. Une longue interview de Tavernier revient sur la carrière de notre Fred Astaire à la carrure de déménageur. Noiret confirmait la formule célèbre du couturier Gianfranco Ferré que « corpulence peut rimer avec élégance ». Dans Tendre Poulet, La Vieille fille ou La Mandarine, Philippe était tout simplement aérien. Cet opus se secoue comme une bouteille Orangina pour bien faire décoller la pulpe de la mélancolie. Un goût inimitable !

Schnock – La revue des vieux de 27 à 87 ans, Numéro 18, La Tengo Editions.

 

Les barbouzes reviennent !

Une nouvelle aventure de Kaplan et Masson, c’est un voyage en première classe dans les années 50 au pays du SDECE (Service de documentation extérieure du contre-espionnage). Amis de la poésie, vous pouvez ranger votre cithare et préparer vos pétoires ! Cette BD créée par Jean-Christophe Thibert d’après une histoire originale de Didier Convard lorgne du côté d’Audiard par sa truculence et, question action, remet à sa place le jeune yankee Tarantino. Ah, si les professeurs d’histoire pouvaient raconter la guerre froide avec autant de jubilation et de précision, les écoliers de France parleraient comme Ventura et Blier à la récré. On y gagnerait en clarté. Ce pastiche aux allures de Vacances romaines à la sauce grabuge est aussi appétissant qu’un plat-de-côtes. Nos espions encore plus drôles qu’OSS 117 ont pour mission de sauver Hitler qui s’appelle, en réalité, Jules Lantier. Un « piège à cons » censé enfumer nazillons sur le retour, CIA et KGB réunis. Tout ça, sous la houlette du Grand Charles et dans la moiteur de l’Italie ! Le dessin et les couleurs (Pixel Vengeur) sont de toute beauté et les décors moins toques qu’à Cinecittà. Les amateurs de belles italiennes (Vespa, Fiat Multipla, Lancia Aurelia, etc.) seront aux anges. Et puis, il y a Line, une rouquine moulée à l’ancienne comme Sophia Loren qui dégaine un Panzer-Faust (lance-grenades) avec autant de grâce qu’elle ôte son porte-jarretelles. Sensas !

Il faut sauver Hitler – Une aventure de Kaplan & Masson, de Jean-Christophe Thibert, Editions Glénat.

 

Au tableau d’honneur !

Avec ses faux-airs de Maigret, pipe au bec, galurin vissé sur la tête, gueule de marlou, Guy Ribes semble sortir d’un claque au petit matin ou d’un film de Becker dans la brume des fifties. Il apparaît sur l’écran et la salle (pleine un samedi après-midi) jubile. La vanne facile, la répartie des faubourgs qui ne s’apprend pas au Cours Simon, le clin d’œil qui tue, l’embonpoint enjôleur, on se croirait au cinéma et pourtant il s’agit d’un documentaire de Jean-Luc Leon.

Visible uniquement à l’UGC Ciné-Cité les Halles à Paris et dans seulement huit autres salles dans toute la France. Gabin peut aller se rhabiller car Ribes, 65 ans au compteur, fait son numéro de charme. L’artiste joue sur tous les registres : le lampiste du système au cœur d’un trafic d’authentifications, l’affranchi, l’esthète et le bon bougre. Pendant trente ans, ce faussaire à la patte d’or a alimenté le marché de l’art de Picasso, Matisse, Chagall, Léger et autres rapins à 10 chiffres minimum. Le garçon n’a jamais copié, il a toujours recréé à la façon de. Quand il prend le pinceau, tout le monde s’arrête de respirer, Ribes devient réellement Picasso, il a saisi tout le mouvement intérieur, le geste, l’humeur et la profondeur du Maestro. A travers différents témoignages (policier, expert, juge, victime, etc.), Ribes délivre une partie de sa vérité et donne une magistrale leçon de peinture.

Un vrai faussaire, de Jean-Luc Leon.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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