Saisons, de notre collaboratrice Marie-Hélène Verdier, vient de paraître aux éditions L’Harmattan.
Eaux fortes, sanguines, pierres de rêve : ainsi pourrait-on qualifier les poèmes du dernier recueil de Marie-Hélène Verdier, Saisons. C’est le huitième de la poétesse, paru à ce jour : il donne à voir, au fil des saisons, des lieux ancrés dans la mémoire, que ce soit l’automne provençal, l’hiver du Jardin du Luxembourg, le printemps pavoisé de la rue Saint-Jacques, l’été romain. Disons-le tout net : rien de moins hermétique, de plus lyrique que cette poésie. Des courts poèmes alternent avec des poèmes d’un rythme plus ample quand il s’agit de chanter le départ, l’absence, la mort, le passage.
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Rien de plus incarné, également, que ces paysages animés de figures. Écolier décryptant, sur le tableau noir, « le braille des nuages », mariée évanouie, dans les flocons de neige, sur les marches de la mairie, officier aux gants de cuir noir serrant un cou dans le jardin du Luxembourg, pèlerin sur la route de Compostelle —sans oublier les anges de la place Lévinas— tout, dans ce recueil, dit une communion avec les êtres, la nature et le monde — ce qui n’exclut ni l’angoisse ni les douleurs. La Provence, ce sont les lavandes, mais aussi les restanques, « à flanc de cœur, soutenant le ciel pris aux racines », et les ciels, ceux de Van Gogh.
Dans le sillage de Jean Follain
Poésie contemporaine oblige, musique et couleurs établissent, dans ces paysages, de subtils réseaux, des accords ou des oppositions audacieuses. Ainsi de « la porte du ciel peinte en bleu vermillon » ou de « cette hirondelle qui meurt d’être noire ». Avec des images fulgurantes : « Le jour déverse sa brouette de bleu / Dans les genêts qu’il fait flamber. » Ou bien, encore, c’est la mer qui avance et « Pleine de grâce se retire et reprend son élan / Pour couvrir les rochers / Dénuder les pensées cachées dans les trous bleus / Petits crabes moqueurs ou étoiles sereines /Loin des poulpes tentateurs. »
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Amoureuse des choses à la manière de Jean Follain qu’aime tout particulièrement Marie-Hélène Verdier, évitant l’écueil de la description, ce recueil s’ouvre toujours, et tout naturellement, sur un au-delà évoqué discrètement. Car Marie-Hélène Verdier a l’art, disait Jean Orizet, « de sculpter le spirituel — sans outrance— avec des petites choses d’ici-bas ». L’originalité de cette poésie, à la fois limpide et mystérieuse, a été saluée, dès ses débuts, par poètes et critiques comme Pierre Emmanuel (qui préfaça son premier recueil), Jean Breton, Philippe Jaccottet, Jean Orizet, François Cheng, Georges Sédir (qui parlait du style de ses poèmes « concis, dense, avec l’éclat un peu dur du verre ou du diamant »), ou encore Paul Viallaneix, lecteur attentif de sa poésie. En exergue, le poète a mis ces vers de Paul Verlaine : « Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches / Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous. » Belle invitation à entrer dans ce recueil au titre sobre qui fait souffler comme une brise printanière.
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