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Une nuit à l’apéro


Une nuit à l’apéro

Quand j’ai entendu la première fois les mots « apéro géant » j’ai d’abord pensé à une énorme cacahuète génétiquement modifiée. Ce n’est que plus tard que j’ai compris qu’il s’agissait de quelque chose de beaucoup plus absurde. À entendre les nombreux commentaires de la presse, ce serait un scandale. Mais quel est exactement le problème ? Un homme – jeune, qui plus est – s’est accidentellement tué, c’est vrai. Mais est-ce le rôle de la société d’empêcher à tout prix ses membres de mourir ?

Le grand rassemblement de Nantes, improvisé par le biais de Facebook, n’est peut-être pas ma conception de « la fête », mais je le trouve parfaitement légitime. On ne peut pas reprocher aux « jeunes » de s’enfermer dans un monde virtuel, de troquer le contact humain contre les icônes informatiques et en même temps les critiquer quand ils tentent de transformer des cyber-relations en véritable rencontre entre des êtres vivants.

Mais au-delà de la question des réseaux sociaux et de leur impact sur le réel une fois leur dimension virtuelle dépassée, il y a le problème de la liberté. Oui, quand des milliers de jeunes se rassemblent de manière improvisée cela peut être dangereux. L’abus d’alcool et la consommation d’autres substances que l’on trouve toujours dans ce genre d’événements (quand certains font la fête, les affaires continuent…) sont, eux aussi, risqués. Or, la question n’est pas de savoir si ce genre de comportement constitue un risque, mais plutôt quel niveau de risque la société doit tolérer pour ne pas étouffer ses membres.

Les apéros géants devraient être tolérés selon la même logique qui incite certains parents à accepter des tatouages ou des piercings chez leurs adolescents sur le principe qu’on ne peut pas interdire tout tout le temps et qu’il faut bien choisir les lignes rouges à ne pas dépasser. Cela revient en fait à imposer un principe très simple mais extrêmement dur : la liberté, c’est le droit de commettre des erreurs sans que les membres plus responsables et expérimentés de la société essaient sans cesse de les épargner aux autres. Autrement dit, il faut savoir jusqu’où on peut laisser les gens aller trop loin.

Si les jeunes et les moins jeunes d’aujourd’hui, angoissés (à juste titre) par un avenir qu’ils devinent lourd de menaces, choisissent l’apéro géant comme une manière de transgresser un peu les règles, laissons-les faire. C’est parfaitement leur droit et tant que ces excès se limiteront à des apéros géants, ils ne feront pas de bêtises. Les fêtes décrétées par l’Etat (fête de la Musique, Paris-Plage, Nuit des Musées…) et soigneusement encadrées par la police et le Samu ne pourront jamais remplacer la magie d’une fête improvisée. Une boum sans les parents, quoi.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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