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Une lueur dans un Noël de ténèbres


Une lueur dans un Noël de ténèbres
Creche de Noel de la Cathedrale Sainte Reparate, Nice, le 29/12/2022 SYSPEO/SIPA

« Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ». Tel est le message formulé par Saint-Luc, mais les libres penseurs refusent de laisser les chrétiens en paix dans l’espace public. Notre chroniqueur Dominique Labarrière, voudrait aider les athées dans leur détresse – par pure charité chrétienne…


Selon vos inclinations, vos principes, vos convictions, vous porterez ce qui suit au crédit de la charité chrétienne la plus élémentaire ou d’un accès de bienveillance laïque de bon aloi. J’ai en effet décidé de venir au secours des déconstructeurs de tout acabit qui ne veulent plus jamais entendre parler de Noël et font tout ce qu’ils peuvent pour éradiquer la moindre manifestation, la plus petite marque de réjouissance. Il y a bien sûr les wokistes exaltés, d’autant plus ardents sur le sujet qu’ils sont de fraîche conversion, mais aussi, de bien plus ancienne facture, les  militants forcenés de la Libre Pensée, ces atrabilaires bouffeurs de curés dont l’athéisme est à ce point obsessionnel qu’on finit par se demander si ce n’est pas chez eux que Dieu, la pensée de Dieu, serait la plus vivante, la plus omniprésente, la plus tenace. À leur grand désarroi, ces esprits forts – mais, on l’aura compris, plus étriqués encore que forts – risqueraient donc d’en être récompensés le moment venu, lorsque le Très Haut leur montrera combien il aura été sensible à l’importance qu’il aura eue dans leur existence, jusque dans ses plus niaises et ses plus débiles combats. Car quoi de plus niais et de plus sot, en fait, que de partir en croisade contre une crèche ici, une statue là qui, jamais, au grand jamais, n’ont empêché quiconque de dormir ? On ne fait pas plus borné et piteusement vindicatif. Comme quoi il y a très loin – vraiment très loin – de la Libre Pensée à une pensée libre. Rien à voir. Absolument rien.

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Néanmoins, je tiens malgré tout à venir en aide à ces personnes. Elles peuvent elles aussi célébrer Noël. Un certain Noël. Celui du 25 décembre 1792. Car voilà bien une Fête de la Nativité selon leur goût ! Le premier Noël sans doute où il n’y eut pas de messes de minuit autres que clandestines, où tout le jour, de l’aube à la nuit tombée, aucune cloche, aucun carillon ne se fit entendre dans la France entière. Un silence de mort. Le silence du deuil imposé au pays par une dictature décérébrée qui pensait pouvoir éradiquer sans plus de formalités une tradition – ininterrompue –  d’un grand millénaire. Tradition dans laquelle se retrouvaient sans peine ceux qui croyaient, ceux qui croyaient moins, ceux qui ne croyaient pas du tout mais qui estimaient qu’une certaine magie valait bien une parenthèse.

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Donc, que nos déconstructeurs s’empressent de célébrer ce Noël sans joie. (La joie – la joie des cœurs – leur étant apparemment foncièrement étrangère, ils auront le médiocre contentement d’être dans leur zone de confort, comme on dit aujourd’hui).

Les autres, pour ce Noël du 25 décembre 1792, auront droit à un rai de lumière. Ce jour-là, le roi Louis XVI, emprisonné au Temple depuis quatre mois, entreprend, tôt le matin, de rédiger son testament. Il n’est pas question ici de juger si Louis XVI fut un monarque à la hauteur ou s’il fut, selon la formule assassine de Barbey d’Aurevilly « un phénomène prodigieux de pusillanimité morale et de défaillance ». Il s’agit, beaucoup plus modestement, de souligner le fait que, par ces dernières lignes de sa main, il aura réussi sa mort. Réussir sa mort, sa sortie, ce n’est pas rien. Surtout pour un monarque. « N’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m’adresser,  je déclare ici, en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments, écrit-il. […] Je pardonne à ceux qui se sont faits mes ennemis, sans que je leur en aie donné aucun sujet. Et je prie Dieu de leur pardonner ». Et, plus loin, ceci, une esquisse de testament politique: « Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens […] qu’il ne peut faire le bonheur des peuples qu’en régnant suivant les lois ; mais en même temps qu’un roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son cœur, qu’autant qu’il a l’autorité nécessaire, et qu’autrement, étant lié dans ses opérations et n’inspirant point de respect, il est plus nuisible qu’utile ». Je me plais à croire que le Père Noël 2023 se fera un plaisir de glisser ces quelques mots-là au pied du sapin de l’Élysée.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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