7 septembre : Michel Barnier, nouveau Premier ministre, planche sur la composition de son futur gouvernement… Mélenchon et LFI, de leur côté, sont dans la rue… Le putsch des généreux ? s’amuse notre contributeur
« Le mensonge, chez nous, cherche de moins en moins à être cru. On fausse les indices, les comptes, les prix, les changes, mais tout le monde le sait. L’imposture triomphante n’a plus pour objet de faire illusion, mais de respecter un certain code de convenances, qui d’ailleurs n’est formulé nulle part. Le ministre joue son rôle dans un scénario dont il n’est pas l’auteur. Les politiques français peuvent ne pas se soucier du fait, parce qu’au départ, ils ne s’attendaient pas trop à ce qu’il confirmât leurs idées. Les erreurs les plus flagrantes les disqualifient rarement, aux yeux des autres et aux leurs propres, pourvu qu’ils résistent à la tentation de les avouer. Aussi, quand la France rêve, il faut de bien grands malheurs pour la réveiller » (Emmanuel Berl, La France irréelle). Le réveil est douloureux.
Combiné alpin
Fini les Marseillaise, les médailles, tableaux grandioses d’orgies romaines, inclusives, tous nus et tous bronzés, en ouverture, clôture, mondiovisions. Maître des horloges façon Harold Lloyd, Guy Lux arbitrant les duels de vachettes dans la méga-bassine savonneuse du Palais-Bourbon, Emmanuel Macron a cherché tout l’été une chèvre de Monsieur Seguin, un mouton à cinq pattes.
Au terme de sept semaines de ruses et tromperies, au fond du huitième cercle de l’Enfer et ses dix fosses de Mormons, d’adulateurs, ruffians, concussionnaires, le président a harponné un Premier ministre savoyard, auréolé d’un label mystérieux, œcuménique, « gaulliste social ». Le combiné alpin, une épreuve de descente et de slalom, réussit aux compétiteurs polyvalents. Michel Barnier connait la musique. Il veut « des changements et des ruptures… répondre aux défis, aux colères, au sentiment d’abandon et d’injustice… constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays ». Le changement dans la continuité et réciproquement… Jusque-là tout va bien.
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Pour former son gouvernement, ramasser et ressouder les tronçons du glaive, le Premier ministre peut compter sur une cordelle d’insubmersibles naufrageurs qui, depuis des décennies, ont fait don de la France à leurs personnes. Aventurières de la Culture ; intermittents de l’Education nationale ; gardes des Sceaux sur écoute ; Grands chambellans du spread, des assignats et de la banqueroute ; Pap Ndiaye, Amélie Oudéa-Castéra et Nicole Belloubet déguisés en Jules Fait.rire ; Ségolène Royal, Bonemine thaumaturge… Les ministres et conseillers démissionnaires, qui ont vendu tous ceux qui les ont achetés, monnaient leurs carnets d’adresses, un ralliement contre un soutien, un parachutage dans le Vercors, un fromage. Il ne faut pas bêcher l’élite. Ne pas rater le dernier strapontin du dernier TGV « Paris-Les Arcs républicains ». Rachida Dati adore la Raclette et l’Abondance. Gérald Darmanin est un fondu de Reblochon. Hervé Morin, chamois d’or. Éric Dupond-Moretti a plaidé à Bonneville.
Perette et le pot aux roses
À gauche, les Augustes, ratels insoumis, Jean-Luc Mélenchon, Lucie Castets, enragent. « Au voleur ! au voleur ! Justice, juste ciel ! je suis assassiné ; on m’a dérobé mon élection ; Allons, vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, et des bourreaux ! ». Gros-Jean comme devant, Faure, Boyard et Hollande ont perdu, à l’insu de leur plein gré, la partie de poker menteur. Adieu, veau, vache, cochon, couvée et PS maître de l’échiquier… Tu me fends le cœur ! Fabien Roussel, alias Super Résistant, dénonce le coup de farce, et prépare 2027. Nul n’est jamais assez fort pour ce calcul. « La démocratie est salie. Le peuple de France est bâillonné. La République est menacée. Nous appelons à l’union du peuple de France. Partout, devant les préfectures, dans les villes, unissons nos forces. Pour la liberté, pour les salaires, pour nos services publics » … A pied, à cheval, en voiture ou en trottinette électrique. Le putsch des généreux.
Michel Barnier est-il otage du Rassemblement national ? Dans leur roue de gruyère du 116 avenue du Président-Kennedy, les journalistes de Radio France, diversocrates du service public, sont sur le qui-vive. Ils reniflent le nauséabond. Ils éclairent la notion. Ils ont fait de la philo, de la socio, jouent au bonneteau avec les déterminismes, les champs, les schèmes, cognitifs, classificatoires. Comme Jacques Vabre achetant le café dans les publicités des années 80, ils séparent l’ivraie populiste, illibéral, du bon grain progressiste. « Il faut planter les caféiers tout là-haut, sur les hauts plateaux [télés], car l’air est plus pur et le soleil plus fort. Et c’est ça qui donne au café tout son arôme. Bien sûr, c’est plus fatiguant d’aller là-haut. Mais les gringos [de France Inter], eux, ils vont les voir, les caféiers ». Colegiala, colegiala !
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Le camp du progrès a de nobles idéaux (sauver la planète, jouir sans entraves, de la thune), des angoisses (l’extrême droite, le travail, la précarité menstruelle), des obsessions (les races, la déconstruction, la censure, l’inclusion), des coupables (l’Occident, les blancs, le patriarcat). On croit ce qu’on désire. En théorie, tout se passe bien. Hélas, l’émancipation des genres humains, le tout à l’égo, le droit à la morale et le mélange du gratin et des nouilles, ne vont pas de soi.
Les incantations, vœux pieux, mantras magnanimes sur le dialogue, le consensus et les indispensables compromis, portent à faux. Plus personne n’attend quoi que ce soit des politiques et, plus grave, de la politique. La récente enquête Ipsos post législatives confirme ce profond désenchantement. 85% des électeurs ont un état d’esprit négatif. Malaise ? Malentendu ? Malédiction ?
La défiance mortifère qui gangrène notre démocratie cessera lorsque les ministres, les candidats, ne se contenteront plus de petites phrases, postures, promesses démagogiques, lorsqu’ils feront passer leurs ambitions personnelles après les intérêts supérieurs de la nation. Le pays est miné par un surendettement abyssal, un écroulement éducatif, culturel, une insécurité, le chaos migratoire, plus récemment, la crétinisation et vampirisation du temps de cerveau disponible par les rézzous sociaux. Depuis deux générations, rien n’y fait, rien n’est fait. Le reste, c’est de la mandoline.
Le cardinal Charles II de Bourbon a une devise stoïque : « N’espoir ne peur ».
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