Edwige Antier est une femme ! Edwige Antier fait de la radio et de la télévision ! Edwige Antier fait de la politique ! Edwige Antier a des cheveux jaunes et s’habille en rose comme Barbara Cartland ! Edwige Antier a des opinions, et le fait savoir ! Edwige Antier blogue, et il est même probable que, parfois, elle twitte ! Edwige Antier est contre la violence ! Bref, Edwige Antier est une femme moderne qui se bat sur tous les fronts. Mais le plus cocasse est que la grande passion de la vie d’Edwige Antier soit de faire interdire la fessée. Sans explorer la question marécageuse des motivations intimes de la députée UMP dans cette obsessionnelle croisade contre les châtiments corporels (on s’interdira fermement de se poser la question de savoir si la dame a été trop fessée dans son enfance ou pas assez à l’âge adulte), Edwige Antier ne pense qu’à ça ! Edwige vit « fessée » ! Elle pense « fessée » ! Elle mange « fessée » ! Elle rumine « fessée » ! Elle fulmine « fessée » ! Edwige est une authentique fessophobe, qui ne veut absolument plus vivre dans ce monde d’antan où des parents responsables, maîtres de leur autorité parentale – dans le secret d’un foyer inaccessible à la science intrusive des « pédiatres » citoyens et non-violents – infligeaient parfois des tapes au cul à leurs rejetons !
« La loi antifessée : un message envoyé aux enfants »
En farfouillant un peu, on trouve dès octobre 2008, au sein d’un dossier du Figaro Magazine titré « La fin de l’enfant-roi », une ferme déclaration d’Edwige contre les châtiments corporels aux enfants : « Je suis favorable à l’interdiction de la fessée dans la loi. Ce serait un excellent message envoyé aux enfants. » Oui, produisons des lois pour envoyer des « messages » aux enfants ! Il est bien entendu que les mômes suivent de très près l’actualité parlementaire. En général, les enfants lisent Spirou, Astrapi, Mickey Mag puis le « Bleu » de Profession Politique… Mais Edwige a toujours été douée pour développer des idées baroques de ce genre-là. On retrouve des coupures de presse comiques, remontant au milieu des années 2000, faisant état de sa croisade contre le cinéma pornographique… Edwige voulait alors carrément interdire les films « X » qui constituaient − selon ses termes − un « viol de l’imaginaire ». Diable !
[access capability= »lire_inedits »]Mi-novembre 2009 : Edwige revient et frappe ! Députée UMP, elle annonce le dépôt d’une proposition de loi contre la fessée. La fessophobe se rapproche alors du Parisien pour exposer son projet. Le journal écrit : « À la veille des vingt ans de la Convention internationale des droits de l’enfant, le médecin estime qu’il est temps de changer les mentalités et de s’aligner sur la demande formulée par les Nations unies il y a cinq ans déjà, reprise par le Conseil de l’Europe en 2008, et également suggérée par la défenseure des enfants l’an dernier. » Changer les mentalités ! S’aligner ! Oui, comment ne pas plier face à autant d’autorités éminemment respectables ? L’ONU, l’Europe, la « défenseure » (sic) des enfants ! Et la pédiatre rose d’expliquer− ensuite − que sa loi bavarde ne sera en rien contraignante : « Il ne s’agit pas d’envoyer les parents en prison ni de les en menacer ! Je ne propose d’ailleurs pas d’inscrire la loi dans le Code pénal mais, comme en Allemagne, dans le Code civil. L’article serait lu aux parents lors du mariage… » Oui, une loi pour simplement pimenter les cérémonies civiles de mariage d’un instant de comédie baroque… car il est déjà parfaitement prévu dans la loi que les coups, blessures, et maltraitances soient punis, avec – notamment – des circonstances aggravantes à la clé pour les Thénardier de service.
Avec Gorbatchev et le Conseil de l’Europe contre la fessée
La proposition d’Edwige ne convainc pas. Selon un sondage TNS-Sofres pour Ouest-France, 82 % des Français sont opposés à son projet. Dans son propre camp, la grogne se fait entendre. Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, déclare sur BFM : « Qu’Edwige Antier s’exprime en tant que pédiatre, c’est son droit, elle a sa conception des choses. Mais des lois sur tout, partout, ça va bien. […] Il ne faut pas trop de lois. La responsabilité parentale est pour moi un des fondements de notre société. » Autre visage de la droite traditionnelle, Bernadette Chirac tempête contre Edwige : « C’est ridicule ! Quand un enfant est odieux, une bonne fessée, ni trop forte ni trop longue, ne lui fait pas de mal ! » Le gros bon sens conservateur reprend enfin le dessus sur les pédiatres et les « enfants odieux » ! Et des baffes se perdent !
« Levons la main contre la fessée ! »
Cela n’empêche pas la presse, toujours féconde, d’oser des titres aussi amusants que « Loi antifessée : une idée plus pan-pan que cul-cul » (Charente Libre), « La fessée prend une rouste » (20 Minutes). « La fessée, un débat culotté » (Bakchich Info). Car, oui, le sujet passionne. Il passionne mais déplaît. Donc Edwige reste en retrait quelque temps.
Puis c’est l’annonce de la sortie du nouveau livre de notre moraliste molle, intitulé L’Autorité sans fessées, et son retour fracassant sur les plateaux de télévision, appuyé par plusieurs aubaines improbables. La première ? L’engagement acharné du Conseil de l’Europe dans la lutte contre les châtiments corporels, passant notamment par ce slogan lourd comme du plomb : « Levons la main contre la fessée ! » et par l’organisation d’un « débat international » à Strasbourg. Car oui, il est certainement plus vendeur de lutter pour les droits de l’enfant, des animaux ou des plantes grasses que pour les droits de l’homme en général. La seconde aubaine, permettant à Edwige d’étaler toute sa fessophobie ? Une grande pétition internationale, émise toujours par le Conseil de l’Europe, et recueillant les signatures comiques de personnalités telles que Claudia Cardinale, le prince Felipe de Bourbon, la reine Silvia de Suède et Mikhaïl Gorbatchev. On notera que Benoît XVI n’est pas signataire de cette pétition, ce qui en dit long sur le personnage…
Il est peu probable que le législateur hexagonal s’engage sérieusement dans cette affaire. D’autant que les visées d’Edwige sont non seulement impopulaires, mais obscures : on sent bien chez elle la volonté badine de faire avancer les droits de l’homme, de transformer le monde et de le rendre meilleur. Mais derrière la condescendance du personnage et l’insupportable « pédagogie » qu’elle instille à chacun de ses passages dans les médias, réside une incompréhensible envie de judiciariser encore et toujours la sphère privée. Edwige veut à nouveau renforcer les droits de l’enfant-roi contemporain qui, à l’abri de la fessée (bientôt de la réprimande ?), et finalement à l’abri de l’éducation de ses parents, pourra dérouler en toute quiétude sa tyrannie domestique intrinsèque… On pourrait conseiller à Edwige de s’intéresser plutôt aux droits des animaux ou à la question des droits de l’homme au Turkménistan… Les enfants de France n’ont pas besoin de son insupportable bienveillance maternante pour grandir, ni les parents de ses mises en garde doctes et doucement furieuses. Edwige… une bonne fessée, et au lit ![/access]
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