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« Un village français »: chef-d’œuvre presque jusqu’au bout…


« Un village français »: chef-d’œuvre presque jusqu’au bout…
Audrey Fleurot et Robin Renucci © ROSSI/FTV

À peine ai-je écrit ce titre que je le regrette, comme si la moindre réserve pour cette exceptionnelle série qu’a été « Un village français » était choquante…


Alors qu’à la réflexion, la septième et dernière saison, surprenante, infiniment sombre, apparemment déconnectée des précédentes, est cependant d’une implacable logique par rapport à la psychologie des personnages principaux ; la déception qu’elle peut immédiatement susciter est vite battue en brèche et corrigée.

J’ai eu du retard, je le concède. Pourtant, souvent, j’ai entendu des amis, des parents, des connaissances, me vanter cette série française, mais je nourrissais un léger doute sur la capacité de nos scénaristes à réussir la chronique d’une sous-préfecture sous l’occupation. Les premiers épisodes ont été tournés à l’automne 2008 et le dernier des 72 épisodes a été diffusé le 30 novembre 2017.

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Quand en février-mars, je me suis enfin décidé à regarder « Un village français », je suis tombé délicieusement sous le joug d’une véritable addiction. J’étais la proie d’une nécessité intérieure qui m’interdisait de brûler les étapes et m’imposait au contraire de parvenir à bride abattue jusqu’à la fin.

Une empathie fictionnelle

Les scénaristes et dialoguistes sont exceptionnels. Frédéric Krivine, auteur principal et directeur d’écriture, ayant eu le rôle moteur. Je n’aurais jamais pu imaginer que, sur une période aussi trouble, aussi tragique, aussi contrastée dans les comportements humains et professionnels, si diverse dans la gamme allant des héros aux salauds en passant par la passivité, l’attente ou l’espérance des citoyens ordinaires, une telle intelligence puisse se déployer, avec une profondeur et une empathie fictionnelles donnant leur dû à chaque protagoniste, leur vérité et leur sincérité à chaque personnage.

Audrey Fleurot © Etienne Chognard

Résistants, collaborateurs, miliciens, maires, chefs d’entreprise, communistes, fascistes, représentants de l’État, tous sont mis sur le devant de la scène quotidienne et à la fois historique au fil des saisons, avec leurs évolutions, mêlant admirablement leur destin singulier à celui de la France occupée puis se libérant, avec l’infinité des grandeurs et des petitesses, des lâchetés, des prudences, des revirements, des trahisons et des héroïsmes, charriés dans cette sous-préfecture du Jura, le pays en réduction.

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La parfaite intégrité du récit est admirable, au point que personne n’est univoque, que des parcours personnels commençant dans le pire se terminent avec courage et émotion face à la mort, qu’elle soit odieusement imposée, subie à la suite d’une justice expéditive ou magnifiquement assumée. Ou l’inverse. Chacun, d’une certaine manière, dans cette histoire collective de fureur, de violence, d’arbitrages constants à opérer, de terrifiants choix à valider ou non, bénéficie de la formidable honnêteté des dialoguistes. Jamais ils ne s’abandonnent à la facilité, ils offrent à chacun une argumentation, une défense, des convictions, des raisons aux antipodes du « tout d’une pièce », n’hésitant pas à faire parler les pires, le nazi cynique et violent, le policier sans scrupules mais amoureux d’une juive, le collabo frénétique et arriviste, sur un mode qui n’en fait pas des caricatures.

Finesse et pudeur

Les miliciens ne sont pas flattés, mais décrits dans leur diversité. Comme les résistants. Les communistes sont à la fois honorés, avec un intègre et héroïque militant fusillé, et montrés sous un jour déplaisant quand le parti justifie tout et que la fin légitime les moyens les plus honteux. Le maire, longtemps, de cette sous-préfecture, Daniel Larcher (joué par Robin Renucci, formidable comme tous les acteurs de la série), personnage central, est superbement présenté : médecin dévoué, élu écartelé, époux patient, humain ayant tenté tout au long de faire le moins de mal possible.

© ANGELA ROSSI / TETRAMEDIA / FTV

Face à des résistantes courageuses, dont une qui est la fierté des hommes qui l’accompagnent et lui obéissent, deux autres femmes seront follement amoureuses d’un ennemi, l’une du chef de la police allemande et l’autre d’un jeune soldat doux et musicien dont le souvenir ne s’effacera jamais en elle.

Cette prodigieuse intelligence qui irrigue tous les épisodes n’est absolument pas contradictoire avec la finesse et la pudeur, qui ne sont elles-mêmes pas contradictoires avec la terreur que l’on éprouve devant la chasse aux juifs du village, avec des allusions à Drancy et à Birkenau…

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Cette série est un antidote exemplaire à tous les simplismes rétrospectifs et à tous les audacieux en chambre.

Je conçois qu’il y a quelque chose de naïf à découvrir ainsi si tardivement une série dont on a tellement parlé à l’époque. Mais peu importe. Je pourrais continuer ainsi à justifier mon enthousiasme qui est d’autant plus intense que je n’ai jamais été conduit à le dilapider en général pour les fictions françaises.

Je ne souhaite pas narrer dans le détail le fil de ces séquences ayant empli ces 72 épisodes, ne voulant pas les déflorer mais je voudrais tout de même rendre hommage à cette humanité implacable, sombre ou glorieuse, étriquée ou épique, courageuse, exaltée ou responsable, ordinaire ou engagée, qui m’a accompagné durant des semaines et que j’ai suivie pas à pas.

Daniel, Marcel, Suzanne, Jean, Hortense, Heinrich, Kurt, Antoine, Marie, Anselme, Lucienne, Jules, Raymond, Gustave, Edmond, Henri, Jeannine, Marguerite… et quelques autres… Je ne vous oublierai pas.

En replay sur Salto.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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