C’est le projet du Premier ministre albanais, dont le pays est candidat à l’adhésion à l’Union européenne.
La création d’un micro-État musulman sur le modèle du Vatican : voilà l’ambition du Premier ministre albanais.
Se confiant au New York Times, le 21 septembre, Edi Rama a annoncé le projet d’installer un État souverain, s’étendant sur une superficie de 11 hectares (un quart de celle de la cité papale), dans sa capitale, Tirana. Avant que les populistes européens bondissent pour dénoncer encore une avancée des forces de l’obscurantisme islamiste, il faut savoir que l’État en question relèverait du courant soufiste, qui représente le versant mystique et ésotérique de la religion musulmane. Le soufisme, très à la mode parmi les babas cool occidentaux à partir des années 1960, est considéré comme hérétique par la majorité des sunnites et chiites, et vilipendé par tous les intégristes. Le nouvel État souverain serait confié à l’ordre Bektachi, une branche dissidente du chiisme datant du XIIIe siècle et implantée surtout en Turquie. En 1925, le très laïc Kemal Atatürk a fermé tous ses locaux, obligeant le centre mondial bektachiste à s’établir en Albanie en 1929. Le chef spirituel de l’ordre aujourd’hui est Baba Mondi dont le nombre des ouailles dans le monde pourrait s’élever à 20 millions. Son simili Vatican contrôlerait ses frontières, jouirait de sa propre administration et délivrerait ses propres passeports. Au grand dam des islamistes, le bektachisme n’impose pas aux femmes le port du voile ou de la burka, et tolère la consommation d’alcool, notamment le raki, une eau-de-vie locale. Rama, qui est catholique comme l’Albanaise la plus célèbre, la mère Teresa, dit vouloir promouvoir une version plus tolérante de l’islam. Si les textes législatifs sont apparemment en cours de rédaction, il faudra attendre l’approbation du Parlement.
Mais Rama est un homme d’action : il a déjà attiré des investissements considérables pour son pays de 2,5 millions d’habitants à travers des accords sur les migrants avec le Royaume-Uni et l’Italie. Il cherche aussi à rehausser l’image de l’Albanie en vue de son adhésion éventuelle à l’UE qui est en attente depuis quinze ans. Mais ne soyons pas cyniques : s’il fait rager les islamistes, que Dieu l’entende !