Accueil Politique Un sous-marin nommé NKM

Un sous-marin nommé NKM


C’est amusant. Dès que Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé sa candidature, les radios ont traité la nouvelle comme un évènement intersidéral, au moins aussi important que les développements de l’enquête après l’attentat de Denver. J’ai peut-être mauvaise mémoire mais je ne me souviens pas que, lorsqu’elle avait annoncé sa candidature en 2004 au même poste, Christine Boutin avait bénéficié de la même promotion. Elle avait pourtant obtenu 5,82 % des voix, ce qui ne semble guère éloigné du potentiel de NKM pour le scrutin de 2012[1. Le premier qui rétorque que c’est parce que Boutin n’était ni belle, ni jeune, ni moderne, j’envoie une lettre de dénonciation au ministère du droit des femmes. Et pas une lettre anonyme ! En recommandé avec accusé de réception, encore ! Non, mais !].

Le problème, c’est qu’en novembre prochain, ce ne seront pas les journalistes qui voteront, mais les adhérents de l’Union pour un Mouvement Populaire. Et de leur côté, je n’ai pas l’impression que NKM dispose d’une cote d’enfer. Une forte minorité – souvent parmi les plus actifs – la déteste, une petite majorité – sans en arriver à cette extrémité – la trouve un peu légère pour le poste. L’ex-ministre de l’Ecologie a présenté sa candidature dans le même esprit qu’Alain Juppé s’il avait mis à exécution son projet avorté : éviter un duel trop sanglant entre Fillon et Copé en incarnant une troisième voie. Cette tentative avait fait un flop alors qu’elle avait des atouts que n’a pas celle de NKM. Juppé est le fondateur de l’UMP, rien de moins. Et il avait commencé à présenter sa candidature d’une manière assez adroite en annonçant d’ores et déjà qu’il renonçait à toute ambition présidentielle pour 2017. Or, NKM a 39 ans, ce qui en fait une gamine à l’échelle d’un parti de gouvernement dans notre pays. Et elle s’est bien gardée d’annoncer qu’elle n’avait pas pour projet d’être candidate à l’élection présidentielle, pour la bonne et simple raison qu’elle en crève d’envie et qu’elle l’a même laissé entendre à quelques reprises. En revanche, il y a bien un point commun entre les démarches de Juppé et de NKM, c’est cette volonté d’incarner une troisième voie entre Copé et Fillon. Et là, pardonnez-moi, mais c’est à mourir de rire. Pour qu’il y ait une troisième voie, il faudrait déjà qu’il en ait deux. Or, le secrétaire général actuel de l’UMP et l’ex-premier ministre ne proposent pas deux voies. Ils ont simplement deux tempéraments différents. On l’a dit et répété, ici et ailleurs, il n’existe pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre eux, sur l’économie, sur l’Europe, sur les sujets régaliens ou les sujets sociétaux. Prétendre que l’un – en l’occurrence Copé – serait plus à droite que l’autre, c’est une vaste blague. Dans le cas contraire, on se demande bien pourquoi le député de Meaux vient de recevoir le soutien de Jean-Pierre Raffarin, qui fustige la dérive droitière de l’UMP ; et on pourrait s’interroger aussi à l’inverse, sur le soutien d’Eric Ciotti à Fillon. On se demande bien ce qui pourra les séparer sur le fond. Fillon-Copé, c’est un peu comme Dominique Reynié versus Olivier Duhamel. Ils s’engueulent, mais on se demande bien pourquoi parce qu’ils disent la même chose.

Donc, pour se faufiler entre ces deux-là et incarner une fiction de troisième voie, c’est d’ores et déjà loupé. Kosciusko-Morizet pourrait à la limite tenter d’en incarner une seconde. Pas de bol, elle partage elle aussi les mêmes idées qu’eux sur tous les sujets essentiels. Une différence de stratégie ? C’est vrai que ça compte aussi, la stratégie. Elle annonce « pas de concession au PS, pas de compromission avec le FN », soit exactement comme ses deux compères. NKM ne peut donc apporter qu’une option supplémentaire dans l’opposition de style, dans la bataille des tempéraments. Et encore faut-il, pour être officiellement candidate, obtenir les 8 000 parrainages de militants nécessaires. Or, elle reconnaît elle-même que cela ne sera pas aisé, ce qui en dit d’ailleurs déjà long sur le fait qu’elle est consciente de ne pas avoir une grande cote chez les adhérents et donc sur ses chances de faire un score et a fortiori de gagner.
N’apportant aucune idée ni stratégie différentes de ses concurrents et n’ayant aucune chance de gagner, la candidature de la député-maire de Longjumeau ne peut donc être destinée qu’à fixer des voix destinées plutôt à l’un, avant de se rallier à l’autre.

NKM la suscite t-elle sciemment ou non, peu importe, mais c’est évidemment Jean-François Copé qui serait le gagnant de l’opération. Car s’il n’y a pas de candidat plus à droite que l’autre, le ressenti dans l’opinion, au sens large comme chez les militants, est tout autre. Parce qu’il tient un langage plus décomplexé, Copé apparaît comme le plus à droite. Parce qu’elle a construit son image dans une opposition avec le FN, NKM apparaît comme la plus à gauche. Fillon apparaît entre les deux. Donc, si Kosciusko-Morizet mange un peu de laine sur le dos de quelqu’un, ce sera bien davantage au détriment de l’ancien premier ministre qu’aux dépens du député de Seine-et-Marne. Copé permettra t-il à NKM d’obtenir les 8 000 parrainages si elle n’y parvient pas seule ? C’est son intérêt. Nantie du droit d’être candidate, se retirera t-elle pour son bienfaiteur avant le premier tour ou avant le second et en échange de quoi ? Ce sont bien les seules questions qui se posent sur cette candidature dont il apparaît aujourd’hui clairement qu’elle est surtout dirigée à gêner François Fillon.

*Photo : Le Point



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Relisez Jacques Sternberg !
Article suivant Jean Seigneur s’en est allé

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération