Frédéric Rouvillois s’attaque avec bonheur au roman policier : du rififi à l’université, en perspective…
Juriste de formation, auteur d’essais pointus sur le droit constitutionnel et sur le Maroc, mais aussi d’une passionnante Histoire du snobisme, Frédéric Rouvillois a fait ses premières armes dans l’underground monarchiste, en collaborant aux revues non-conformistes Réaction et Les Épées. D’où le ton et l’esprit de son premier roman d’esprit légitimiste, Les Fidèles, où il évoque le destin d’une antique lignée féodale. Ce professeur de droit constitutionnel a aussi dirigé le précieux Dictionnaire du conservatisme aux éditions du Cerf.
Meurtre d’un mandarin
Le voilà qui s’attaque avec bonheur au roman policier avec Un Mauvais maître, où un couple de policiers enquête sur l’assassinat d’un mandarin parisien, le professeur Desnard, brillantissime crapule, l’archétype du pervers narcissique « enjôleur et brutal », qui pourrait bien ressembler à certain agrégé de droit public récemment accusé de viol sur mineur et d’inceste.
A lire aussi: Frédéric Rouvillois: l’automne du «Penser printemps»
Ce personnage peu reluisant appartient à la gauche caviar : rien de ce qui est « humaniste » ne lui est étranger. Ce féministe en chef se révèle avant tout goujat pur sucre ; ce progressiste de carnaval masque à peine son abyssal mépris pour les petites gens (i.e. ceux qui n’ont pas le bonheur d’être agrégés de droit) ; bref, cet adorateur de l’Humanité est – ô surprise – une parfaite canaille.
Humour et cruauté
Manipulateur sans scrupule, capable de séduire pour détruire des rivaux qu’il repère bien en amont, Desnard finit égorgé dans un square du IXème arrondissement, sur l’emplacement des anciens jardins du bourreau de Paris, le front lacéré d’un vengeur XXI. Qui a pu tuer ce machiavel de l’Université, dont le romancier décrit avec un luxe de détails ces subtiles stratégies qui l’ont propulsé à la première place ? Son épouse ? L’amant d’icelle, qui est quelque chose comme chirurgien ? La maîtresse délaissée ? Son âme damnée, un ancien trotskiste qui lui doit tout ? Une secte de cinglés qui servent de
supplétifs dans le cadre d’opérations spéciales téléguidées par l’Elysée ?
Avec habileté et non sans (cruel) humour, Frédéric Rouvillois nous promène dans ce monde faisandé et nous propose une galerie de suspects idéaux. Jusqu’à la surprise finale.
Frédéric Rouvillois, Un Mauvais maître, La Nouvelle librairie, 276 pages.