On espère toujours beaucoup d’un film sur la Révolution. Mais, avec Un Peuple et son roi, le réalisateur Pierre Schoeller nous livre une fresque partielle et partiale. Le grand film sur le sujet reste à faire.
Auteur en 2011 de L’Exercice de l’État, un film beau et juste sur la question du pouvoir, Pierre Schoeller, après plusieurs années de recherche sur le sujet et de travail avec des historiens, nous livre un film décevant sur la Révolution française. Lui redonner sens, montrer l’importance de son aspect populaire d’un point de vue contemporain, telle est au fond l’entreprise d’Un peuple et son Roi. Le film suit la vie quotidienne et les amours d’un groupe d’artisans du faubourg Saint-Antoine dans la tourmente révolutionnaire. Un souffleur de verre et sa femme (Olivier Gourmet et Noémie Lvovsky), un pauvre hère, Basile (Gaspard Ulliel), et deux lavandières (Adèle Haenel et Izïa Higelin) parmi d’autres constituent le peuple. Louis XVI est interprété par l’excellent Laurent Lafitte, majestueux et grave.
Un peuple fantasmé
Il est bien entendu beaucoup question du peuple et au fond assez peu de son roi dans le film dont le but était pourtant de montrer les rapports qui les liaient, de nous éclairer sur leurs destins parallèles, de rendre compte du désamour progressif des Français à l’égard de son roi, Louis XVI.
Le film commence avec une très belle scène: le lavement des pieds des enfants misérables par le roi, le Jeudi saint de 1789. Puis nous nous retrouvons avec les artisans du faubourg Saint-Antoine. Bien malheureusement, la représentation à l’écran du peuple sonne faux. C’est un peuple de 1789 fantasmé par le cinéaste et perçu d’un point de vue de relecture de l’histoire très lié aux recherches contemporaines (celles de Patrick Boucheron et consorts entre autres). Dès lors ce parti-pris du film, voir la Révolution avec les yeux du peuple n’est pas juste. Nous assistons à une histoire partielle et partiale. De surcroît, certains personnages du peuple, Basile en particulier, ainsi que leurs histoires d’amour et de transmission du travail (celui de maître verrier) s’avèrent inutiles dans ce film qui, même si le cinéaste s’en défend, est une fresque historique et lyrique sur la Révolution.
Où est le roi ?
Le roi nous est très peu montré. Nous voyons son départ de Versailles pour les Tuileries à Paris, son voyage vers la capitale après son arrestation à Varennes. Rien de son procès ! Rien dans le film ne nous explique le désamour du peuple de France pour Louis XVI, ni la montée de son engouement pour la Révolution. Ni les raisons profondes, ni les tensions dramatiques qui lient les français à leur roi et les conduisent à accepter sa mort plus qu’à la souhaiter ou la décider ne sont explicités clairement. Nous ne revoyons le souverain qu’au moment de son exécution filmée avec recul et austérité. Fort heureusement, la superbe interprétation de Laurent Lafitte donne à Louis XVI toute sa majesté, sa grandeur et sa noblesse.
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La partie le plus intéressante du film, de bien trop brèves et parcellaires scènes, nous montre les débats des députés de la Législative puis de la Convention. Robespierre, Marat, Danton, Saint-Just, Barnave… montent à la tribune et mènent les débats. Mais ceux-ci restent, malgré la fureur et la violence de certains propos, quelque peu pléthoriques car trop brefs. La durée du film, deux heures, est bien trop courte pour nous amener à comprendre la force du mouvement révolutionnaire, son idéologie, les rapports du peuple avec l’Histoire en marche.
La victoire en chantant
Indéniablement, le grand film ou une série de télévision sur la Révolution française reste à faire: une œuvre sobre et ascétique, qui ne saurait bien sûr oublier ni l’ampleur ni la fureur de l’époque insurrectionnelle, et dont les modèles filmiques pourraient être La Prise du pouvoir par Louis XIV de Roberto Rossellini et Le Procès de Jeanne d’Arc de Robert Bresson.
Lors des scènes de rues, de manifestations populaires, de révoltes et de toutes celles des débats se déroulant dans la salle du manège royal, le peuple montré est un peuple de pacotille totalement fantasmé dont les souffrances et les misères servent d’arguments d’autorité à une vision unilatérale de la Révolution. Les violences commises par les sans-culottes sont invisibles hormis celles de la prise des Tuileries, le 10 août 1792, dont la représentation est très édulcorée. Ainsi, le 6 octobre 1789, au lendemain de la marche des femmes du 5 octobre 1789, pour réclamer du pain, il n’est jamais question des têtes de gardes suisses fichées sur des piques lors du cortège royal revenant à Paris. Les massacres de septembre 1792 qui ont fait plus de 1300 morts ne sont pas évoqués… Peu de scènes d’émeutes ou de cruautés populaires à l’image. Jamais le film nous amène à comprendre les enjeux réels de la Révolution, les manipulations du peuple par une bourgeoisie avide de pouvoir, la malhonnêteté et la cruauté fondamentales des meneurs de l’insurrection qui va conduire, dans les mois qui suivent, à la Terreur sans pitié qui va ensanglanter la France.
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