Le grand projet des conservateurs britanniques consistant à externaliser les demandes d’asile au Rwanda semble compromis. Mais, d’autres nations européennes pourraient finalement le faire.
Sitôt élu début juillet, le travailliste Keir Starmer a annulé un projet conçu par le précédent gouvernement conservateur : celui consistant à externaliser au Rwanda les demandes d’asile de migrants entrés clandestinement sur le territoire britannique. Il a ainsi mis fin à une saga politico-judiciaire qui avait commencé en 2022. Boris Johnson avait alors annoncé un accord par lequel, en échange de fonds de développement et un financement pour accueillir les migrants, le Rwanda traiterait leurs demandes et leur donneraient asile. Le projet a été déclaré conforme à la loi par la Haute Cour de Londres en décembre 2022, mais non conforme par la Cour suprême britannique en novembre 2023. Un accord similaire de nature informelle entre le Rwanda et Israël, entre 2013 et 2018, y a été cité comme un mauvais précédent, certains réfugiés africains ayant été refoulés vers leur pays d’origine. En réponse, le gouvernement de Richi Sunak a signé un traité avec Kigali imposant des obligations et des contrôles aux Rwandais. En avril cette année, il a promulgué une loi parlementaire affirmant que le Rwanda était un pays sûr. Les élections sont intervenues avant que le nouveau projet puisse démarrer. Mais est-ce la fin ? Le Danemark avait signé un accord similaire avec le Rwanda en 2022, pour le suspendre en 2023. Lors d’un colloque européen en mai de cette année, son ministre de l’Immigration et de l’Intégration a déclaré qu’une telle coopération avec un pays tiers était souhaitable au niveau européen. En novembre 2023, le gouvernement autrichien a annoncé vouloir développer lui aussi un projet avec le Rwanda. Lors des élections européennes de juin, le groupe conservateur, le PPE, a fait campagne sur l’idée d’exploiter des pays tiers sûrs d’une façon similaire. Le gouvernement allemand de Scholz réfléchit depuis presque un an à une telle exploitation. Début septembre, son Représentant spécial pour les accords sur les migrations, Joachim Stamp, propose de faire un nouvel accord avec Kigali, en utilisant les installations que les Britanniques avaient fait construire – en vain – pour accueillir les migrants. Le Rwanda n’a pas fini de faire rêver les Européens.