Le lointain successeur du prince Metternich s’appelle Sebastian Kurz, et vient de prendre ses quartiers à la Ballhausplatz, le Quai d’Orsay viennois. Nul n’y aurait prêté attention si le susnommé ne se distinguait par son âge, peu courant dans ce genre de fonction : 27 ans !
Dans nos démocraties avunculaires, en particulier la nôtre, plus soucieuse de faire de la place aux dames qu’aux jeunes, cette promotion suscite une curiosité bien naturelle. Faut-il que ce jeune homme soit doué pour qu’un vieux pays, qui plus est réputé pour la qualité de son corps diplomatique, lui confie les clés de la boutique !
Hélas, ceux qui penseraient que l’Autriche vient d’offrir au monde un nouvel Amadeus devront déchanter. Sa nomination relève d’une opération de relations publiques de son parti, l’ÖVP (centre droit), qui peine à s’affirmer, coincé depuis des lustres entre des sociaux-démocrates inoxydables et une droite extrême, le FPÖ, qui a trouvé en Hans-Christian Strache un leader qui fait un tabac chez les jeunes.
Autre nouveauté, l’intitulé rococo du ministère confié au jeune Kurz : il sera en charge « de l’intégration et des affaires internationales ». Voilà qui va rabattre le caquet des distributeurs de Ferrero-Rocher (en Autriche, cela s’appelle des Mozart-Kugel) qui font les importants dans les palais hérités de la Double Monarchie !
Leur ministre fréquentera prioritairement les manifestations organisées par l’association des Pakistanais de Floridsdorf, banlieue populaire de Vienne, ou le rassemblement annuel des Kosovars de Klagenfurt. S’il lui reste un peu de temps, il pourra se former aux subtilités du droit international en écoutant les pesants exposés de ses diplomates, et terminer brillamment des études de droit interrompues par sa plongée dans le bain politique.
Et peut-être glaner au passage quelques notions de latin en feuilletant les archives de son ministère dont les objectifs étaient résumés dans l’acronyme A.E.I.O.U. , devise des Habsbourg : Austriae est imperare orbi universo (« Il appartient à l’Autriche de gouverner le monde entier »). Courage, Seb’ !
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