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Un mormon nommé Romney


Dans l’histoire des Etats-Unis, Mitt Romney est le deuxième mormon à se présenter à l’investiture républicaine. Le premier fut Joseph Smith et cela ne lui porta pas chance. Fondateur de l’Église des Saints des Derniers Jours, il fut lynché avec son frère par la foule qui avait assailli la prison où il était incarcéré dans le Missouri. C’était le 27 juin 1844. Pourquoi tant de haine ?

Joseph Smith, à l’âge de 18 ans, avait eu une révélation : un ange l’avait conduit à une colline sous laquelle était enterrée un livre écrit sur des tablettes d’or en caractère hiéroglyphique, livre déposé là depuis quatorze siècles par un nommé Mormon, descendant des Juifs qui étaient venus s’établir au Nouveau Monde – la terre promise – après la Sortie d’Égypte.

Cette révélation bouleversera Joseph Smith – on le serait à moins -, un solide gaillard qui passera sa brève existence à traduire le texte sacré qu’il appela la Bible des Mormons, à se battre aux côtés des Peaux-Rouges puisqu’ils étaient juifs, à condamner l’esclavage, à prôner la polygamie, tout ce qui contribue à lui attirer notre sympathie et fut cause de sa perte. Il écrivait plutôt bien et le récit de ses révélations vaut bien celui de Saint Augustin.

Les mormons, dont on ne peut pas dire qu’ils sont vraiment protestants puisqu’ils attendent encore le Messie, furent persécutés par les colons et les puritains. Pourchassés, ils s’établirent dans le désert de l’Utah, à Salt Lake City. On compte aujourd’hui quinze millions de Mormons, à ne pas confondre avec les Amishs qui sont des anabaptistes ayant fui la Suisse et la Hollande pour vivre en conformité avec la Bible. Peter Weir les a admirablement décrits dans son chef d’oeuvre : Witness.

Conan Doyle, dans La Tache écarlate (1887), la première aventure de Sherlock Holmes, s’intéressa de près au mormonisme avant de s’en écarter à cause de la polygamie qu’il réprouvait et de se convertir finalement au spiritisme. Drôle d’idée. L’économiste protestant et incidemment oncle d’André Gide, Charles Gide, voyait dans la Bible des Mormons une parodie des Tables de la Loi. « On s’étonne, écrit-il, en 1924, que de telles inepties aient pu trouver quelques oreilles crédules. » Mais de quelle religion ne pourrait-on pas dire cela ?

Aujourd’hui, sous l’impulsion de Brigham Youg, le successeur de Joseph Smith, l’église mormone a gagné en respectabilité et même proscrit, tout au moins officiellement, la polygamie. Chacun aura remarqué que Mitt Romney est le prétendant le plus lisse, le plus fade, le plus modéré à la Maison Blanche. Le plus « normal » comme aime se présenter François Hollande, maître dans l’art de se construire un « faux self ». Oserais-je conclure, sans me faire lyncher, que j’aurais préféré Joseph Smith à Mitt Romney ? Voire Herman Cain.

Cela tient sans doute à mon goût pour les westerns et à la sympathie instinctive que j’éprouve pour les illuminés.



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