Patrick Roy est mort. Le député PS de Denain, amateur de hard rock, porteur de vestes rouges et bretteur de première catégorie dans l’hémicycle a succombé cette nuit au cancer du pancréas dont il espérait triompher.
Il y a deux mois, il avait fait son retour à l’Assemblée, amaigri, affaibli, en fauteuil roulant, sa femme lui tenant la main. Pour poser une question d’actualité prétexte. Prétexte à remercier tous ses collègues députés de leur gentillesse, de leur amitié dans la douleur. Et promettre son retour comme opposant farouche, puisque « la vie est belle ». Jusqu’ici vous ne pleurez pas. Moi si.
Je pleure parce que ce jour du retour de Patrick Roy à l’Assemblée, le 15 mars, j’ai vu une bonne partie de la confrérie des journalistes parlementaires, d’ordinaire si portés à l’ironie, la blague, ou le trait assassin, pleurer vraiment. C’était finalement assez drôle de voir tout le monde faire mine de sortir dans le jardin pour aller fumer, y compris les non fumeurs. On a pleuré devant l’humanité du garçon, la simplicité, la drôlerie de celui qui avait brandi un jour en séance Hard Rock Magazine sous les yeux médusés de ses collègues.
On a pleuré aussi parce que, malgré l’espoir, je crois que tout le monde savait que c’était la fin. Qu’en dépit des traitements, de la rémission, de la croyance en un miracle – ça existe – Patrick Roy allait mourir.
C’est assez curieux de se retrouver brutalement confronté à la mort et à son avancée inéluctable dans cet endroit où, bien souvent, on parle pour ne rien dire. Où tout est euphémisé, où la réalité, même la plus brutale, est dissipée par les discours. Patrick Roy, malade, affaibli, amaigri, ému aux larmes, avait d’un coup offert une bouffée de la réalité la plus atroce et la plus banale dans l’hémicycle. Tout député qu’on soit, on meurt. On souffre, comme des milliers de gens en France, atteints du même mal, ou d’un autre. D’ailleurs, Patrick Roy avait expliqué, peu après cette sortie publique, qu’il avait reçu de nombreuses lettres de malades le remerciant d’avoir eu le cran d’en parler en si haut lieu, devant tant de gens. Alors qu’en général, on se planque. Alors qu’un cancer, même foudroyant, même rare, est devenu atrocement banal.
L’unanimité va se faire autour de la mémoire de Patrick Roy. Ce sera légitime : en dehors de toute considération sur son combat folklorique pour le heavy metal, tout le monde reconnaissait que le député-maire de Denain était un élu modèle. Travailleur, sérieux, aimé de ses administrés et de ses collègues de droite comme de gauche. Je ne sais pas si c’est cette humanité qui me fait pleurer à cette heure-ci et qui fait que je n’irai pas à l’Assemblée cet après-midi. Quand quelqu’un meurt, on sait bien que c’est à d’autres morts que l’on pense. Et aujourd’hui, je ne pense pas, comme tout le monde, à Ben Laden.
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