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Un fantôme de l’Apartheid expulsé d’Afrique du Sud

L'immigré polonais lié à l’extrême droite blanche afrikaner Janusz Walus retourne dans son pays d'origine


Un fantôme de l’Apartheid expulsé d’Afrique du Sud
Devant la prison de Pretoria, des militants communistes sud-africains protestent contre la possibilité de libération de Janusz Walus, 30 novembre 2022 © AP/SIPA

C’est une page douloureuse de l’Afrique du Sud qui vient de se refermer. Janusz Walus a été expulsé de la nation arc-en-ciel après plus de trois décennies passées derrière les barreaux. Il était notoirement connu pour avoir assassiné Chris’ Hani, icône de la lutte anti-apartheid.


Janusz Walus, image d’achive

Le 6 décembre 2024, sur décision de la Cour constitutionnelle sud-africaine, c’est très discrètement, que Janusz Walus, 71 ans, a été renvoyé en Pologne, son pays d’origine. Un départ précipité qui a généré une vaste polémique dans le pays de la nation arc-en-ciel qui n’a rien oublié du meurtre qu’il a perpétré et qui a failli plonger l’Afrique du Sud dans le chaos et la guerre civile.

Arrivé avec son père et sa mère en 1981, il travaille dans l’usine familiale de fabrication de verre. Lorsque celle-ci ferme définitivement ses portes, Janusz Walus se reconvertit en conducteur de camions. Intéressé par la politique, il rejoint le National Party (NP), qui dirige l’Afrique du Sud depuis l’instauration du régime de ségrégation raciale en 1948. Un système qu’il soutient. Au fur et à mesure que le gouvernement lâche du lest sur les lois raciales en vigueur, Janusz Walus se radicalise de plus en plus. Il rejoint finalement l’Afrikaner Weerstandsbeweging (AWB), le mouvement de résistance afrikaner dirigé par Eugène Ney Terreblanche, qui compte des milliers de membres à travers toute l’Afrique australe. Une armée prête à fondre sur le gouvernement si celui-ci décide d’ouvrir les portes du pouvoir à la majorité noire représentée par l’African National Congress (ANC) de Nelson Mandela…

Un assassinat racialement motivé

C’est dans ce contexte de négociation entre le NP et l’ANC que Janusz Walus va prendre une décision qui va changer son destin. Le 10 avril 1993, galvanisé par les discours du leader de l’AWB, il se présente au domicile de Chris’ Hani, à Bocksburg. L’homme est un héros pour bon nombre de Sud-africains noirs. Leader de la branche armée de l’ANC, responsable de nombreux attentats perpétrés contre les Blancs, c’est aussi le secrétaire général du Parti communiste local (SACP). Il bénéficie d’une telle aura qu’on le dit même rival politique de Nelson Mandela. Mais pour Janusz Walus, Chris’ Hani n’est qu’un terroriste dangereux dont il faut se débarrasser. Lorsque ce dernier finit par revenir chez lui et se garer, Janusz Walus saisit ce moment pour l’interpeller. Tout va très vite. Il est 10 h20 quand l’Afrique du Sud apprend que Chris’ Hani a été abattu de plusieurs balles devant son domicile, et que son meurtrier est en fuite.

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Une course-poursuite va alors s’engager. Le gouvernement de Frederik de Klerk ordonne l’arrestation de Janusz Walus dont la plaque d’immatriculation a été notée par un voisin, témoin de cet assassinat. Rapidement interpellé, Janusz Walus va commettre l’erreur de se confier à un policier dont il est persuadé que celui-ci partage ses convictions raciales… L’enquête va même conduire à l’arrestation d’un député du Conservative Party (CP), complice de ce meurtre. Condamné à la prison, Janusz Walus est finalement relâché en 2022, avec l’interdiction de quitter le pays. Une libération qui provoquera des remous au sein de la société sud-africaine, outrée par cette clémence inattendue.

Une décision controversée

Le ministre à la présidence, Mme Khumbudzo Ntshavheni, a rappelé que cette expulsion était le résultat d’une décision de la Cour constitutionnelle, et non une initiative directe du gouvernement. « C’est une journée douloureuse pour les Sud-Africains, un rappel amer de la période sombre de l’apartheid », a de son côté déclaré le ministre de l’Intérieur Leon Schreiber sur le réseau social X (ex-Twitter), qui a également souligné que tous les frais de rapatriement de Janusz Walus avaient été à la charge de Varsovie.

La veuve de Chris Hani, Limpho Hani, a exprimé son indignation, critiquant le gouvernement et le Parti communiste sud-africain (SACP) pour ne pas l’avoir informée plus tôt. « J’ai appris cette nouvelle seulement [la veille] » a-t-elle dénoncé, ajoutant que cette décision ravivait une peine jamais éteinte. Quant au secrétaire général de l’ANC, Fikile Mbalula, il a réaffirmé devant les caméras que Walus avait par cet assassinat « privé l’Afrique du Sud de l’un de ses plus grands dirigeants », et a appelé à une enquête plus approfondie sur ce meurtre afin de dévoiler « toute l’ampleur du complot » mis en place durant les négociations entre son parti et le défunt National Party…

Idolâtré en Pologne

Aujourd’hui, Janusz Walus est idolâtré par certains groupes d’extrême droite en Pologne. Son image est imprimée sur des t-shirts, des posters et d’autres produits dérivés vendus publiquement ou sur le net ; une glorification qui choque en Afrique du Sud. A son arrivée en Pologne au lendemain de son expulsion, il a d’ailleurs été accueilli par Grzegorz Braun, député européen, monarchiste, leader de la Confédération de la couronne polonaise et étoile montante du conservatisme polonais dur. On ne sait pas ce que Janusz Walus va devenir désormais, celui-ci a refusé de faire le moindre commentaire à la presse polonaise.

Janusz Walus n’a jamais exprimé le moindre remord à son geste. Interrogé en 2018 par un média polonais, il avait simplement déclaré « qu’il se sentait à cette époque comme un soldat (et qu’il) croyait toujours au système de ségrégation raciale, que les blancs et les noirs devraient vivre séparés en Afrique du Sud ».




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Journaliste , conférencier et historien.

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