Et maintenant les œufs… Après un certain nombre de scandales alimentaires, les œufs contaminés au Fipronil ont occupé une bonne partie de l’actualité estivale. Ainsi le pauvre consommateur de Jacques Prévert, déjà triste, se trouvait-il en plus en danger de mort ?
Il est terrible – le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain – il est terrible ce bruit – quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim…
L’oeuf, symbole de vie…
Pourtant, sans vouloir minimiser la chose, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait signalé dès la mi-août : « Compte tenu des concentrations de Fipronil observées (…), le risque de survenue d’effets sanitaires apparaît très faible. » L’œuf, et son éventuelle corruption, seraient-ils alors investis d’une charge symbolique particulière ? C’est ce que pensait René Daumal en écrivant : « Le poème qui n’est pas écouté devient un œuf pourri. »
On comprendra ainsi peut-être mieux l’émoi médiatique, et sa part d’inconscient, autour de l’œuf, métaphore de la création et du cosmos comme dans ce sonnet de Ronsard, lui-même inspiré d’Ovide, qui avait le premier chanté cette analogie :
Je vous donne des œufs. L’œuf en sa forme ronde
Semble au Ciel, qui peut tout en ses bras enfermer,
Le feu, l’air et la terre, et l’humeur de la mer…
…et de mort
Ne plus avoir confiance dans les œufs, c’est d’une certaine manière ne plus avoir confiance dans l’univers. Une femme de Nantes l’a appris à ses dépens, tuée par son compagnon le 20 août à cause d’une dispute sur « la cuisson d’œufs au plat ». On aurait dû signaler au couple, pour éviter ce pénible dénouement, le Grand Dictionnaire de cuisine d’Alexandre Dumas, qui nous indique la meilleure recette pour se faire cuire un œuf tout en nous donnant un moyen infaillible pour savoir s’il n’est pas contaminé par le Fipronil.
« Au reste, il y a une façon très-simple de savoir si l’œuf est encore bon : posez-le dans une tasse pleine d’eau, s’il se soulève d’un des côtés et tend à se tenir debout, c’est que l’œuf est au tiers vide et par conséquent n’est pas mangeable ; s’il pose d’aplomb sur son milieu, c’est qu’il est frais. Quand l’œuf est frais, nous dirons que la meilleure manière de le manger est à la coque. »
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