Accueil Culture Un été en noir et blanc à Landerneau

Un été en noir et blanc à Landerneau


Un été en noir et blanc à Landerneau
Henri Cartier Bresson, à Paris, le 21 janvier 2000. MICHEL LIPCHITZ/AP/SIPA

Grande rétrospective Cartier-Bresson au Fonds Hélène & Edouard Leclerc (FHEL) dans la cité finistérienne où 300 œuvres du photographe français sont exposées jusqu’au 5 janvier 2025.


Il se passe toujours quelque chose à Landerneau, et plus généralement dans le Finistère. « La Fête du Bruit » a réuni le week-end du 9, 10 et 11 août des milliers de festivaliers sur les bords de l’Élorn. Le pont habité en tremble encore. La semaine d’avant, c’était la presqu’île de Crozon qui s’agitait aux percussions du Festival du Bout du Monde. En Bretagne, on sait soulever les foules aussi bien qu’à Paris sur la Place de la Concorde, durant les Jeux Olympiques. Landerneau n’a surtout plus à rougir face à l’offre culturelle des capitales européennes. Elle leur tient même la dragée haute. Dans l’ancien couvent des Capucins, le Fonds Hélène & Edouard Leclerc (FHEL) créé à l’automne 2011, par la richesse de sa programmation et son ambition internationale, rivalise avec de prestigieuses institutions. Il a reçu plus de 2 millions de visiteurs depuis son ouverture au public en 2012. Du 15 juin jusqu’au 5 janvier, et pour la première fois, le FHEL accueille sa première grande rétrospective photo après avoir ouvert ses salles à Gérard Fromanger, Joan Miró, Dubuffet, Giacometti, Chagall ou Enki Bilal. La BD étant la marotte de Michel-Edouard Leclerc. Cette saison, le FHEL a choisi Henri Cartier-Bresson (1908-2004), photographe emblématique du XXème siècle, fils de bonne famille, « le cœur à gauche », fondateur de l’agence Magnum en 1947 qu’il quittera en 1974 en raison de sa « dérive mercantile », compagnon de route des communistes, chasseur d’image au toucher humaniste, toujours au plus près du brasier de l’actualité et cependant, léger comme une brise, cet insaisissable aura sillonné la planète, de Mexico à la Gare Saint-Lazare pendant des décennies.

A lire aussi: Alors, on lit quoi cet été ?

Cette exposition majeure, la plus complète depuis celle du Centre Pompidou en 2014, revient sur une longue carrière en 23 plans-séquence, elle est ponctuée par des portraits de l’artiste qui ne se laissait pas photographier facilement et montre sa palette étendue, du reportage aux clichés plus intimistes. Il fut notre meilleur sociologue, captant les soubresauts de notre pays et sa lente transformation. On découvre également un Cartier-Bresson sensible à l’esthétique surréaliste, son goût prononcé pour les figures géométriques à ses débuts, il fut formé à la peinture cubiste, puis sa recherche de l’instant décisif dans la stylisation du mouvement. Cartier-Bresson est un insatiable voyageur, il séjourne à Séville en 1933, au Mexique en 1934, il assiste au couronnement de George VI en 1937 à Londres, il choisit alors délibérément de ne pas photographier le roi mais plutôt les spectateurs présents. Il réalisera un film « Le Retour » en 1945 après trois ans de captivité dans un stalag et deux évasions ratées, il adhèrera au Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD). La liberté retrouvée, il ne s’arrêtera plus, il se lance dans un périple américain en juillet 1947 et parcourt 16 000 miles en voiture. Cartier-Bresson sera partout où le monde l’appelle, aux funérailles de Gandhi, lors de la partition de l’Inde, à l’arrivée de Mao au pouvoir, à Berlin après la construction du Mur, mais aussi en Russie au moment du dégel, dans la moiteur de Cuba, au Japon en 1965 ou en mai 1968 à Paris.

A lire aussi: Les filles de la plage

En un instant, son cliché dit tout des forces et des fragilités de l’espèce humaine. J’aime par-dessous tout le Cartier-Bresson tendre, comme sur cette photo prise au Lac Sevan en Arménie, montrant un père tenant à bout de bras son enfant ou ses gamins ensorcelés devant l’étal d’un marchand de miniatures auto, le désir du jouet est plus fort que tout. Et puis, Cartier-Bresson, c’est la mémoire de notre nation dans son imagerie populaire, un fort des halles tatoué et casquette en biais fixe l’objectif, un coureur lit le journal sur la piste du Vel d’Hiv avant la course des 6 jours, un Solex est garé devant une affiche publicitaire exhibant un décolleté ravageur, ou ma préférée, une scène du monde d’avant dans sa friabilité souveraine, on y voit un décor oublié, une agence de la Banque Nationale de Paris, un Citroën Type H aux couleurs de Monoprix juste devant, et au premier plan, un enfant allongé sur la lunette arrière d’une DS.

« Henri Cartier-Bresson », Fonds Hélène & Edouard Leclerc, Landerneau, du 15 juin 2024 au 5 janvier 2025.

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

8 used & new available from 11,67 €

Ma dernière séance : Marielle, Broca et Belmondo

Price: 15,00 €

6 used & new available from 7,90 €



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Se passer du passé ?
Article suivant En août, lis ce que te goûte
Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération