« Ceci est un Love computer ! »
Il n’y avait qu’un ex-officier para pour s’engager dans une comédie tropézienne aussi tarte. En 1982, Les Sous-doués en vacances de Claude Zidi sont au programme des révisions de l’été. Pendant que des bacheliers fraîchement diplômés en juin se préparent au concours de Sciences-Po à la rentrée de septembre en s’empiffrant de Tristes tropiques, d’autres moins ambitieux préfèrent les potacheries de la bande à Bébel (Daniel Auteuil) et le brushing provençal de Grace de Capitani. Charlotte de Turckheim, sorte de Bernadette Chirac bombesque porte le maillot deux pièces « sexy mama » comme les mannequins du « Vogue Italia » et Hubert Deschamps est toujours un chirurgien aussi maladroit. Il a la scie raboteuse.
Algorithmes amoureux
Gérard Lenorman et Sandrine Bonnaire passent une tête dans cette opération « Madrague » signée Didier Kaminka. Béatrice Chatelier, ex-Madame Barclay fait partie de ces brunes piquantes, girondes girondines qui rehaussent le niveau d’un film par leur seule présence anatomique. Vladimir Cosma harmonise les délires de ces estivants turbulents en remontant à l’envers l’été indien. Jean-Paul Farré, savant fou, est l’inventeur du « Love computer », une machine censée faire et défaire les couples sur la piste de danse. À quoi ça tient, la destinée ? Les algorithmes amoureux n’avaient pas envahi nos espaces privés.
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Prédictif, absurde, déshabillé, décomplexé, vaseux, gluant, les Sous-doués sont l’ultime témoignage du « rire ensemble ». La victimisation n’a pas ripoliné son scénario et n’a pas, fort heureusement, expurgé les blagues les plus douteuses. Le divertissement balnéaire est clairement assumé, sans fausse pudeur, il est même brandi comme l’expression de la « déconnade » à la française. Il serait aujourd’hui politiquement suspect, amoralement déviant, contrevenant aux parités et aux identités sourcilleuses. En 1982, on ne recule devant aucun excès, aucune facilité comico-érotico-boulevardière, on pousse le curseur jusqu’à l’évanouissement. Rien ne vous sera épargné, les déguisements foireux, le folklore gendarmesque, le flirt pathétique, les baignades burlesques, le string ficelle, une fausse BB, un requin en carton-pâte et surtout cette absence totale de repentir.
En 1982, on fonce dans le grotesque avec assurance et détermination. On ne s’excuse pas d’amuser la France périphérique et de tirer sur la corde de la bien-pensance. Cet humour décorseté dont nous avons perdu la recette depuis la disparition de Max Pécas et Philippe Clair, se regarde avec un plaisir non feint. C’est une fontaine de jouvence, champagne-piscine pour toute la tablée. Il est bien difficile de résister à cette aventure cinématographique scabreuse, condensé de scènes graisseuses et de bonne humeur imbibée de rosé bon marché.
Dandy des fortifs
Attention aux taches ! On s’en met partout. Les chipoteurs auront peur de se noyer dans ce qu’ils considèrent comme une farce grossière, inepte et portant en son sein, le germe de la décadence. Ces gens-là, rances et persécuteurs, ratiocineurs et pleurnicheurs, ne savent pas rire. Guy Marchand, le rastaquouère des disquaires, ne craint pas le trop-plein d’huile. Qui d’autre que lui pour incarner le producteur-chanteur Paul Memphis, homme à femmes hâbleur, caricature du chobiz’ à la Jean Yanne quand celui-ci ne donnait pas des leçons de morale. On aime le grizzli de Belleville (en raison de sa pilosité abondante et désordonnée) pour son charme canaille, moitié-poulbot, moitié-ferrailleur et aussi pour sa rugosité jouissive. Ce dandy des fortifs, joueur de polo éclairé et amateur de blousons en cuir sauvage, ne cache pas ses intentions. Forte tête, il ne plie pas facilement, il ne louvoie pas dans les interviews pour amadouer la ménagère, même s’il en rajoute un peu sur sa déveine légendaire.
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Petit mec du XIXème né en 1937 qui a appris les belles manières dans la Haute société, méfiez-vous de son caractère ombrageux. Il est encore capable de faire le coup de poing à quatre-vingt ans passés. Teigneux, colérique, splendide de mauvaise foi, tendu comme un fusilier-marin à l’abordage, il incarne une classe populaire. Ne comptez pas sur lui pour apparaître en débraillé ou en souffreteux à la télé. Il sait se tenir en public. Dans les Sous-doués, il enfile le costume blanc croisé ou la tenue de gala lamée, il roule en Jeep Cherokee prêtée probablement par les établissements parisiens Jean Charles et conduit aussi une Honda Dax en marinière, pour vous ce sont peut-être des détails, mais pour les nostalgiques énamourés comme nous, ce sont les dernières lueurs d’une civilisation avancée.