L’article 1 de la loi bioéthique a été rejeté par le Sénat, le 4 février, dans la confusion. Une commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs) se réunit ce mercredi pour tenter de trouver une parade.
Dernière minute. Députés et sénateurs réunis ce mercredi en commission mixte paritaire ne sont pas parvenus à trouver un accord sur l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Cette réforme de la filiation et de l’accès aux origines souhaitée par la majorité s’enliserait-elle?
Coup de grâce ou coup de force, l’histoire est remplie de ces cafouillages. Or, l’article 1 de la loi bioéthique rejeté le 4 février au Sénat était « l’article phare » du projet de loi bioéthique. Une Commission mixte paritaire (CMP) comprenant sept députés et sept sénateurs est donc convoquée, dans l’urgence, ce mercredi, pour trouver un accord avant que le projet de loi passe à l’Assemblée avant un vote définitif.
Bouleversement dans la filiation
On a tout dit sur cette loi qui ne concerne aucunement la bioéthique mais le droit de l’enfant : un enfant comme vous et moi. Jusque-là les « arguments » s’appuyaient sur « des droits victimaires »: la femme en mal d’enfant, la lesbienne discriminée, la résilience de l’enfant. Voyons les choses du point de vue du droit : stricto sensu. Comment s’apprêterait-on, sur la terre de France où le droit est si rigoureux, à voter une filiation sans père ? La République est-elle, à ce point, bonne fille, qu’elle prive un enfant, de par la loi, de sa filiation paternelle ?
Rappelons-le. 1) Il ne s’agit pas de créer une loi mais d’étendre le champ d’application d’une loi existante. Nid de fauvette, cette loi du 29 juillet 1994, loin d’être excellente, ne doit en aucun cas, devenir un nœud gordien. Sur la Toile, il est un site que tout le monde peut consulter : PMAnonyme. La simple consultation de ce site, la lecture des témoignages d’enfants, devenus adultes, nés par IAD (insémination par tiers donneur), les questions et les réponses qui y figurent sans rien occulter des prix, persuaderaient, à elles seules, de l’impossibilité de l’extension de cette loi. 2) Un enfant privé de père, de par la loi, sera parfaitement en droit d’attaquer l’État en responsabilité, au nom de l’égalité, en disant : « Enfant du don, je suis interdit légalement de faire établir ma filiation réelle. Je n’ai même pas le droit de faire une recherche de paternité. » 3) Puisque la France, si la loi est votée, sera obligée de lever l’anonymat du donneur, pourquoi ne pas, comme en Allemagne, laisser le choix à l’enfant de sa filiation ? La levée de l’anonymat ne résout pas tout, elle va gêner considérablement la filiation à la française. 4) Comment se fait-il que l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), signée par la France en 1990 et mise en application, ait été balayé, ab initio, à la Chambre, sans débat aucun, d’un revers de manche ? Que dit-il, cet article ? « L’enfant… a le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. » Comment se fait-il que « l’intérêt supérieur de l’enfant », notion juridique éprouvée, ait été balayé, sans aucune forme de procès, au profit de ce mot dans le vent : la résilience ? Depuis quand la résilience est-elle une notion juridique ? De quel droit l’État priverait-il un enfant de connaître sa lignée génétique avant 18 ans et « interdirait » des tests génétiques ? Au lieu de s’interroger sur une garçonnité de salon, les historiens, amateurs des laissés pour compte, feraient bien de s’interroger sur l’injustice faite aux orphelins à naître sur notre territoire, dans notre République, et sur le silence coupable des adultes nantis d’un père et d’une mère — à moins que les « malheurs de la vie » ne les en ait privés.
Ne pouvant faire que la force soit juste, on a fait que la justice use de la force
Les réponses à ces questions sont simples. On ne le dira jamais assez : la vérité est que la France dépend, pieds et poings liés, de la CEDH et de la Convention des droits de l’homme qui imposent aux États de ne pouvoir refuser la GPA dont la PMA est le marche-pied. La vérité est que, dans notre droit, nous ne voulons plus de l’indépendance nationale. La vérité est que nous sommes sous la coupe d’une nouvelle religion, avec ses juges au toupet d’hermine et de leur casuistique.
Dans « La Guerre de Troie n’aura pas lieu », écrite en 1935, Giraudoux, tournant en dérision l’interprétation que l’on fait du droit, fait dire à Hector, répondant au juriste Busiris : « Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. » Alors, illico, par peur de représailles, Busiris, « le plus grand expert vivant du droit des peuples », se hâte de réinterpréter les violations de droit de la flotte grecque en hommages rendus aux Troyens. Ne nous trompons pas sur l’ironie cinglante de Giraudoux. On connaissait Pascal : « Ne pouvant faire que la force soit juste, on a fait que la justice use de la force. » En 2015, l’ancien président de la CEDH Dean Spielmann disait : « L’arrêt de la Cour réduit à néant non seulement la faculté pour les États d’interdire la GPA mais la légitimité d’un tel choix législatif ». Dans les Déclarations des droits de l’homme et du citoyen, de 1789 et de 1948, on lit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».
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