Ne cherchez pas : la « pire espèce », c’est nous. À mon humble avis, la meilleure aussi d’ailleurs – mais de cela, il n’est pas question dans cet ouvrage qui possède tous les signes extérieurs d’une BD mais se révèle, à la lecture, un peu plus que cela, malgré les dessins joyeusement féroces de Ptiluc.[access capability= »lire_inedits »] La BD s’était déjà acoquinée avec l’investigation journalistique ou la méditation historique. Mais La Pire espèce est, à ma connaissance en tout cas, le premier exemple d’essai philosophico-politique en bande dessinée. Jusque-là, pour se délasser de la tension des prétoires où il défend, autant que ses clients, la liberté d’expression et la République, Richard Malka concoctait, comme scénariste, de sombres histoires pleines de rebondissements. Avec Philippe Cohen, il s’était essayé à l’enquête en publiant la première BD sur notre président. Cette fois, avec la complicité de la pétulante Agathe André, journaliste de son état, il livre sa vision de notre monde. Et, pour tout vous dire, c’est pas joli-joli.
La Pire espèce évoque irrésistiblement La Ferme des animaux d’Orwell, non seulement parce que les humains y sont portraiturés sous les traits de cochons, loups, hyènes ou bonobos, mais aussi parce qu’en poussant l’actualité dans ses retranchements, Malka et André brossent un impitoyable portrait de notre scène politique. Est-ce parce c’est leur famille ? En tout cas, c’est à la gauche qu’ils envoient leurs flèches les plus acérées – on reconnaîtra sans peine le sectarisme, l’intolérance et la sottise du « Nouveau Parti des Ânes », ainsi que les doux délires des « Hyènes de garde ». Mais les pages les plus réjouissantes sont consacrées aux oiseaux qui font marcher à plein rendement la « Fabrique de la rumeur », ceux que, dans le monde des humains, on appelle « journalistes ». Et ça, c’est du vécu : depuis qu’il officie dans les affaires de presse, Malka a perdu quelques illusions sur notre aimable corporation. On regrettera pour finir un ratage, l’extrême droite dépeinte sous les traits de quasi-nazis, et surtout une absence : celle de la famille « réac ». Mais promis, on sera dans le prochain tome.[/access]
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !