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Un Américain en colère à Paris


De toutes les immigrations, celle qui nous vient d’Amérique du nord et particulièrement des États-Unis, est la plus francophile. R-J. Berg publie Péril en la demeure, sous titré Regards d’un américain sur la langue française[1. Péril en la demeure de R-J. Berg (Défense de la langue française / France Univers – 166 pages – 25 euros). Il manque un index ce qui n’empêche pas de le commander à france.univers@wanadoo.fr.]. Attention : je n’utiliserai pas cette sotte expression : « je ne suis pas d’accord avec tout, mais… ». Rien n’oblige à être d’accord avec tout et tout le monde. Ce qui compte, c’est le ravissement devant un étranger qui nous appelle à mieux défendre notre langue. Seulement Berg n’est pas un étranger, c’est un Français. Il l’est consubstantiellement ; son érudition nous émerveille et sa critique des défenseurs maladroits du français nous, comment dit-on, déjà ?, nous interpelle.

En gros, Berg pense que la langue française n’a pas à se prévaloir de « valeurs », comme le dit encore Druon ; qu’elle ne représente pas une arme « antilibérale » comme le pense sans doute toujours Hagège. Á cela, rétorque Berg, dans une belle envolée : « le français est la langue des droits de l’homme et de la Terreur, de la Résistance et de la collaboration, de l’État-gendarme et de l’État-nounou, de l’existentialisme et de Salut les copains et de tant d’autres choses encore », Berg tape sur beaucoup de doigts, y compris des présidents de la République et même de notre cher et vieux Jean Dutourd (1920-2011) chez qui il relève une contradiction de taille. Dutourd voulait qu’on taxât « lourdement » les enseignes commerciales en anglais ce qui, pour Berg est une manière de les accepter. En fait, Dutourd, gaulliste et partisan de la dissuasion nucléaire, voulait dissuader. Il ne sollicita pas le ministre des Finances, comme il est dit, ce fut le ministre Beregovoy qui le sollicita et bien mal prit à ce dernier car le Conseil des ministres haussa les épaules avec dédain, le Savonarole en chef en tête.

Pour Berg, la langue française n’a pas pour ennemi principal le « sabir américano-commercial » comme nous disons, mais l’anglais (pour ma part, West side story ne me gêne pas. La langue française ne gagnera pas la partie et si le film s’intitule Une histoire du quartier de l’ouest. De même un week end n’est pas une fin de semaine, demandez la différence aux dames qui grognent pour qu’on les y emmène.)

L’intérêt subtil du livre de Berg c’est qu’il nous parle de l’auteur. En révélant ses lectures, ses colères, ses combats, ses goûts, il donne envie d’en savoir plus sur l’homme qui, chic suprême, ne vit ni à Big apple, ni à « L.A. ». C’est un cousin, et même un frère en littérature qui nous rappelle d’où nous venons et c’est très bien. Un écrivain qui, en biais, par jeu de miroir se révèle à nous, c’est émouvant. C’est une forme de l’autobiographie. C’est peut-être sa forme achevée enfin trouvée.



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est né et ne vit qu’à Paris. Il a développé une certaine idée de la contradiction et du paradoxe dans 33 livres à ce jour, notamment : Les Criminels du béton (1991) ; La crétinisation par la culture (1998) : Éloge du cul (2006) ; Manuel de résistance à l’art contemporain (2009). Dernier ouvrage paru : La France de Michel Audiard (Xenia, 2013).

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