À quoi reconnaît-on une bonne revue ? Des sujets décalés, un ton caustique, une maquette originale et ce parfum de légèreté qui manque tant à la presse française. Comme le répétait en boucle Céline, qu’ils sont lourds, oui, qu’ils sont lourds ces éditeurs à compiler les mêmes enquêtes sans fond et sans style. De nos jours, les articles ont vocation à habiller les publicités. Les annonceurs sont déjà bien gentils de concéder à l’écrit, le gris comme l’appelaient les anciens journalistes, quelques cases protégées. Les mêmes espaces que l’on réserve aux animaux sauvages ou aux fleurs exotiques. Bientôt, nous ouvrirons un magazine comme on visite un parc national. On dira aux enfants :
– Regarde, là, petit, dans ce magma d’images, il y a une légende
– C’est quoi une légende, papa ?
– C’étaient des mots, fiston…
Le gris apparaît parfois à la suite d’un long tunnel publicitaire d’une vingtaine de pages (voir les féminins de la rentrée et le célébrissime September Issue bourré de réclame). Il étouffe le gris. Il se meurt le gris. Nous ne sommes plus de grands naïfs, ça fait belle lurette qu’un magazine n’a plus pour vocation principale d’informer ou divertir (à part Causeur Magazine) mais de vendre des babioles. Alors, quand on tombe sur le nouveau numéro de Schnock, 8ème du nom, dédié en partie à Pierre Richard, on se sent revivre. Ils l’ont fait. On loue cette énergie venue de très loin, cette intelligence du sujet, cette dinguerie en provenance directe des années pompidogiscardiennes, du vintage patiné façon linoléum et de l’émotion imbibée au Dubonnet. On a aimé les sept précédents opus consacrés notamment à Jean-Pierre Marielle, Jean Yanne, Amanda Lear ou Gainsbourg. Ce huitième numéro de La revue des Vieux de 27 à 87 ans est tout simplement jubilatoire. On est presque ému. On en pleurerait tellement c’est bon. Habitués à tant de médiocrité, de crétinerie et de vulgarité, les lecteurs se croyaient abandonnés. Personne ne pensait plus à nous. Le monde de la presse était-il devenu aussi froid, cosmétique et illusoire qu’un trader shooté aux courbes de la bourse ? Schnock nous apporte cette bouffée de nostalgie nécessaire à notre survie. On aimerait que la revue sorte tous les mois, toutes les semaines. Après avoir pris une dose de Schnock, on plane, on voit des R16 dans la rue, des acteurs qui ne jouent pas les VRP sur les plateaux télé, des écrivains qui savent écrire, des chanteuses qui chantent juste et surtout on ne se prend pas au sérieux. Pour vous donner envie de courir chez votre marchand de journaux, je préfère vous susurrer des mots tendres, en l’occurrence, des noms que vous trouverez à l’intérieur de cette 8ème édition. Si le bonbon Stoptou, Vladimir Cosma, le magazine Absolu, Téléchat (Groucha et Lola), Mort Shuman, Anne-Marie Peysson, ou Auguste Le Breton ne vous disent rien, passez votre chemin. Vous n’êtes pas un vrai Schnock !
Schnock – Numéro 8 – La Tengo Editions.
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