J’ai beau observer l’UMP depuis dimanche, je n’y vois que des perdants. Si l’on excepte Nicolas Sarkozy, qui n’était pas à jour de cotisation et que cela arrangeait fort bien, je ne vois personne, parmi les protagonistes de la bataille pour la présidence de l’UMP, qui puisse se satisfaire de la situation.
François Fillon a beaucoup perdu. Marc Cohen a fort bien expliqué les raisons pour lesquelles l’ex premier ministre termine cette bataille en lambeaux. À tous ces arguments de bon sens, j’en ajouterai un autre. Fillon n’a pas la santé. On a beau dire, on a beau faire, les grands fauves politiques qui gagnent de grandes batailles électorales ne sont pas forcément beaucoup plus intelligents que le commun des mortels, mais ils sont généralement dotés d’une santé exceptionnelle, qui leur permet d’avaler les kilomètres, d’enchaîner les discours, de dormir peu. Chirac demeure l’archétype de l’homme politique infatigable mais ses deux successeurs, bien que beaucoup plus attentifs à leur hygiène de vie –les deux se sont astreints à des régimes draconiens permettant de tenir le choc- n’étaient pas en reste. Fillon a accumulé les pépins de santé pendant la campagne quand ce n’était pas un chat noir qui traversait devant son scooter estival. Comme il aura quatre ans de plus en 2016 et que la campagne dure douze mois, primaire comprise, se pose légitimement la question de savoir s’il pourra encaisser une épreuve autrement plus éprouvante qu’une campagne interne. On l’a justement comparé à Raymond Barre pour son côté Père Fouettard des finances ; la comparaison vaut aussi pour les capacités physiques qui ont valu une défaite cuisante au député de Lyon en 1988 face au bulldozer Chirac.
Mais il n’y a pas qu’un seul vaincu. Jean-François Copé, à sa manière, a gâché sa victoire. Pourtant revenu du diable vauvert face à son adversaire, faisant démentir tous les pronostics il est vrai basés sur des sondages qui ne pouvaient tester le bon corps électoral, sa courte victoire aurait pu être magnifique. En annonçant sa victoire avec une avance de 1058 voix dimanche avant que la désormais fameuse COCOE n’annonce les résultats officiels avec une avance dix fois inférieure, il a commis une faute politique majeure. On ne sait quels conseillers idiots lui ont soufflé cette idée folle. Pourquoi se précipiter ainsi, apparaître pour un putschiste, et dégrader ainsi son image auprès de la moitié des militants et de bon nombre d’électeurs ? Certes, l’UMP est héritière du RPR et donc de la fameuse droite bonapartiste. Dimanche soir pourtant, Copé annonçant prématurément sa victoire ressemblait davantage à Laurent Gbagbo qu’à Bonaparte le 18 brumaire ou même Chirac à l’automne 1974 lorsqu’il prit l’UDR à la hussarde. Cette tache maculant sa réputation, il tente maladroitement depuis lundi soir de rattraper le coup en jouant au rassembleur ouvrant bras et mains, jusqu’à proposer une vice-présidence à Fillon. Les fillonistes ne sont pas près de digérer cette humiliation supplémentaire. Si Copé l’avait mis en veilleuse dimanche soir, il serait aujourd’hui un président légitime et on lui pardonnerait davantage les différentes « irrégularités » qui ont eu lieu lors du scrutin – dont il s’est rendu autant coupable que son adversaire.
Nous ne saurions conclure ce propos sans tordre le cou à un canard qui circule dans toutes les télés et radios depuis dimanche. La mobilisation des adhérents UMP aurait été forte et la démocratie en sortirait renforcée. On a pu entendre ainsi des partisans des deux camps parler d’un taux de participation de 55 % et qualifier celui-ci de formidable. Rappelons qu’un tel taux de participation est inférieur à celui des élections législatives dont on se plaint habituellement. S’agissant d’adhérents à un parti politique dont on peut suspecter une politisation plus importante que la moyenne des électeurs, ce taux de participation révèle une mobilisation minable, n’ayons pas peur des mots. On objectera que les bureaux n’étaient pas assez nombreux, que les files d’attentes ont pu décourager des éventuels votants. Mais pourquoi n’a-t-on pas ouvert davantage de bureaux dans ce cas ? C’est bien qu’on suspectait qu’on n’y verrait pas une mobilisation de 80 % ! Pour intéresser tous les adhérents, il aurait fallu une opposition qui ne se réduise pas au style, à la posture des candidats. La querelle d’egos fut d’autant plus sanglante que les idées étaient les mêmes. Sur l’économie, l’Europe, la question sociale et même l’immigration, Copé et Fillon avaient les mêmes propositions même s’ils n’avaient pas la même manière de les formuler. La démocratie, donc, sort perdante de cette confrontation, contrairement à l’antienne relayée, même par des observateurs avisés, depuis dimanche.
Peut-être peut-on trouver quelques personnalités qui ont moins perdu que les autres. Ceux qui n’ont pu –faute de parrainages- ou voulu se lancer dans la bataille, NKM, Le Maire, Guaino et Bertrand sortent indemnes de ce psychodrame. Et Sarkozy, bien entendu. Mais on me souffle que ce dernier est convoqué au Palais de justice de Bordeaux et que l’éventualité d’une candidature pourrait bien passer au second plan de ses soucis. Quand ça veut pas…
*Photo : UMP.
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