Le premier tour de l’élection législative partielle de la quatrième circonscription du Doubs a rendu son verdict et, d’ores et déjà, l’UMP en est la première victime. D’abord, parce que son candidat à la députation est éliminé pour la première fois depuis 2012. Ensuite, parce que le duel FN-PS de dimanche prochain vient de valoir au parti dirigé par Nicolas Sarkozy trois jours de tension, de cacophonie et de désordre, renouant avec une tradition dont se passeraient fort bien ses électeurs. Enfin, parce que, même si le bureau politique a pris une décision, rien n’est vraiment réglé.
Nicolas Sarkozy apparaît bien entendu affaibli par cette séquence. Certes, il a fait valoir que le candidat investi par l’UMP fut nommé par le triumvirat Juppé-Fillon-Raffarin avant que lui-même n’accède à la présidence. En ce sens, imputer la responsabilité exclusive de l’élimination de l’UMP du second tour à l’ancien président peut paraître injuste. Si le candidat a effectivement mené une campagne désastreuse, ce n’est pas entièrement du fait de Nicolas Sarkozy. En revanche, son arrivée à la tête du grand parti de la droite a peut-être incité l’électorat socialiste à se mobiliser davantage, hypothèse que corroborent les études sur la popularité du duo exécutif, en hausse précisément depuis fin novembre.
Le président de l’UMP apparaît aussi affaibli par ces trois jours de cacophonie. Son autorité a été successivement mise en cause par Dominique Bussereau, NKM, Laurent Wauquiez et Alain Juppé. Alors que Nicolas Sarkozy avait expressément demandé que tout le monde reste discret jusqu’au bureau politique de mardi soir, personne ne lui a obéi, et surtout pas le couple maudit NKM-Wauquiez, qui le suit dans l’organigramme de l’UMP. Nicolas Sarkozy a dû ainsi prendre une position que personne n’a vraiment comprise en expliquant qu’il fallait à la fois faire barrage au FN et laisser la liberté aux électeurs. A priori, on comprend que les électeurs sont libres, mais pas trop. A-t-il souhaité, avec cette position si subtile, ne pas laisser le monopole de l’ouverture au centre à Alain Juppé ? A-t-il souhaité, comme aux plus beaux jours de François Hollande à Solférino, tenter une synthèse impossible ? Même les plus proches de Nicolas Sarkozy ayant manifesté leur incompréhension, nous ne nous risquerons à aucune réponse.
De là à gloser, comme beaucoup d’observateurs, sur la grande victoire d’Alain Juppé, c’est un pas que nous ne franchirons pas. Pendant que le bureau politique finissait son débat, le maire de Bordeaux était déjà en train de vendre sa position commune avec Nicolas Sarkozy (abstention, vote blanc ou vote PS) au JT de France 2.
Pendant qu’il se targuait entre les lignes d’avoir entraîné le président de l’UMP dans son sillage, avec le sourire de celui qui vient de tordre le bras à son adversaire, Juppé voyait sa ligne battue par l’axe Xavier Bertrand- Bruno Le Maire-Laurent Wauquiez, partisan de l’abstention ou du vote blanc, c’est-à-dire celle de la position qui prévaut depuis trente ans, au RPR d’abord, à l’UMP ensuite. Alain Juppé est-il conscient que sa ligne n’est pas partagée par la très grande majorité des futurs participants à la primaire de la droite à laquelle il participera ? A-t-il conscience que ses revirements sur le sujet peuvent commencer à lasser sérieusement les électeurs ? Lundi, la vidéo de l’INA, datant de 1990, où on le voit annoncer l’exclusion d’Alain Carignon parce que ce dernier avait appelé à voter PS contre le FN dans une élection cantonale partielle, a fait le tour du web. Les lecteurs de Causeur n’ont pas été étonnés, ils la connaissaient depuis mars dernier.
Même s’il ne faut pas enterrer complètement François Fillon, qui défendait la ligne ni-ni mardi soir, mais qui semble bien traîner l’affaire Jouyet comme un boulet au pied, c’est clairement le trio Bertrand-Le Maire-Wauquiez qui sort vainqueur de cette séquence à l’UMP. Si ces trois-là devaient se mettre d’accord sur une candidature commune à la primaire, ils pourraient commencer à donner des sueurs froides à Juppé comme à Sarkozy. Le fait que ces trois-là soient davantage en phase avec l’électorat de l’UMP et qu’ils symbolisent aussi un renouvellement de génération constituent des arguments non négligeables en leur faveur.
Mais la position du ni-ni pourrait être avantageusement remplacée par la liberté de vote totale laissée aux électeurs. Que valent des consignes de vote de second tour lorsqu’on se prépare à demander aux mêmes électeurs de choisir le candidat au premier tour dans l’élection-reine ? Bien sûr, même Alain Juppé se défend de toute consigne et envisage seulement l’hypothèse où il serait électeur dans la circonscription de Montbéliard-est. On s’amusera de voir ces derniers jours toutes ces personnalités éminentes qui imaginent habiter à Audincourt, Sochaux ou Valentigney !
On doit s’attendre à ce que les prochaines élections départementales multiplient les occasions de se positionner dans ce genre de configuration. Il y aura des duels FN-PS et UMP-FN. La question se posera encore, dans de nombreux cantons. Aussi, il y a fort à parier que l’UMP sera encore mise sous la pression du PS qui aura beau jeu de lui dire : « Nous vous soutenons dans des seconds tours face au FN et vous ne nous rendez pas la pareille.»
Mais le PS risque aussi de subir la pression de ses propres électeurs qui peuvent en avoir par-dessus la tête de ce front républicain à sens unique. Les prochains scrutins risquent bien d’accoucher de fractures politiques encore plus grandes, surtout entre les appareils politiques et les électeurs. Et devinez à qui tout cela profite…
*Photo : Alain ROBERT/Apercu/SIPA. 00702646_000007.
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