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UMP : la guerre des sous-chefs


UMP : la guerre des sous-chefs

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Les élections européennes, prévues le 25 mai prochain, se préparent déjà. Alors que les têtes de liste du Front National, qui mise encore plus sur ce scrutin que sur les municipales, sont connues depuis quelques semaines, le PS vient de désigner les siennes, suscitant des mouvements divers dans la salle, comme l’écrirait le sténographe de l’Assemblée. Et l’UMP dans tout ça ? La course aux têtes de listes vient d’être lancée à droite, précisément dans ma circonscription, celle du Grand Est, regroupant Champagne-Ardenne, Lorraine, Alsace, Bourgogne et Franche-Comté. La figure de proue dans ce secteur en 2004 et 2009 était Joseph Daul, fraîchement élu président du Parti Populaire Européen (PPE), qui ne souhaite pas cumuler cette fonction avec un mandat européen.

Celle qui a lancé la course n’est pas n’importe qui. Nadine Morano, petit soldat (lorrain) du sarkozysme s’il en est, a confirmé vouloir mener cette liste sur France 2 vendredi matin. C’est peu dire que l’ancienne ministre de la Famille ne s’imagine pas ailleurs qu’en première place et souhaite recouvrer d’urgence un mandat parlementaire, elle qui a perdu son siège de député en juin dernier. Depuis sa défaite dans la circonscription de Toul, elle n’est pas restée inerte, surtout lors de la bataille Copé-Fillon où elle fut égale à elle-même, guerrière impitoyable ne s’encombrant jamais de nuances, quitte à parfois sombrer dans l’outrance[1. Elle est aussi très active dans le style sur Twitter où son dernier fait d’armes fut de comparer les journalistes de Marianne à des rats, excusez du peu.]. Ce genre de personnage, suscitant des boutons au camp adverse, existe dans tous les grands partis. Il se révèle utile dans les campagnes électorales car il catalyse la mobilisation chez les militants les plus fervents et joue un rôle de poisson-pilote sacrificiel indispensable au grand leader, toujours soucieux d’apparaître  nuancé par rapport aux plus zélés de ses partisans. C’est ainsi que Nadine Morano a su se rendre utile à Nicolas Sarkozy pendant les cinq ans de présidence. Lors de la campagne présidentielle, elle avait été mise au rencard pendant la campagne du premier tour, NKM lui étant préférée comme porte-parole, avant de revenir en grâce dans les quinze derniers jours lorsque le ton du candidat se durcissait. Morano joua un rôle comparable aux côtés de Jean-François Copé l’an dernier, lorsqu’il brigua la présidence de l’UMP. Autant dire qu’elle ne doit pas avoir que des amis du côté des proches de Fillon…

Face à elle, c’est un parlementaire européen sortant de 42 ans, Arnaud Danjean, qui a fait acte de candidature dans le JDD ce dimanche. Originaire de Louhans, où il a déjà fait trembler Arnaud Montebourg aux législatives de 2007, il est considéré comme une étoile montante de l’UMP. Ancien fonctionnaire de la DGSE, spécialiste des Balkans, il travailla étroitement avec Bernard Kouchner lorsque ce dernier administrait le Kosovo. Elu en 2009, il a vite fait son trou au Parlement européen où il préside la sous-commission sécurité et défense. Tous ces faits d’armes n’en font pas, loin s’en faut, un poulet de l’année, même de Bresse. Nicolas Sarkozy semble vouloir l’intégrer à l’équipe de jeunes quadras inconnus du grand public dont il veut s’entourer s’il revient dans l’arène pour la campagne de 2017. Sa cote de popularité auprès des élus du Grand Est est infiniment plus grande que celle de Nadine Morano.  En guise d’adoubement, Joseph Daul le désigne publiquement comme son successeur, laissant tomber à propos de la conseillère municipale de Toul : « J’ai dit à Jean-François Copé ce que je pensais de sa candidature. » Soutien de Fillon l’an dernier, Danjean bénéficie d’ores et déjà du parrainage de François Baroin et de Bruno Le Maire mais aussi de députés copéistes comme Guillaume Larrivé et Alain Chrétien.

Consensuel (qualité très courue du côté de Bruxelles et de Strasbourg), proche du commissaire européen Michel Barnier, Danjean est aussi un spécialiste des questions européennes et paraît intellectuellement plus armé que Nadine Morano pour mener cette campagne. Cependant, malgré tous ces atouts, il demeure l’outsider dans la bataille pour la tête de liste.

Car Morano a deux avantages sur Danjean : sa notoriété et sa proximité avec Jean-François Copé dont elle est la co-secrétaire nationale aux… élections. Certes, la commission nationale  d’investiture de l’UMP rassemble fillonistes et copéistes à parité mais, outre que Morano en est elle-même membre, le président du parti y exerce une grande influence. Si Copé laissait tomber l’ex-ministre, il risquerait de déclencher guerre thermonucléaire au sein de son propre dispositif.  Et la Nadine n’est pas du genre à pardonner de telles offenses. En outre, Copé et Morano ne sont pas seulement des alliés objectifs, ils partagent aussi une certaine conception de l’action politique, un style commun, que le président de l’UMP qualifie lui-même de « décomplexés ». Une telle candidate serait en fait à l’image de ce qu’il souhaite pour son parti. L’imposer constitue donc une nécessité.

Mais, au-delà des ambitions personnelles et des combinazione, quel serait l’intérêt de l’UMP ? Pour l’heureux désigné, la campagne ne s’annonce pas comme une partie de plaisir. Face à des adversaires aussi coriaces que l’ancien maire de Strasbourg Catherine Trautmann (PS), dont la notoriété égale celle de Morano mais qui connaît les arcanes du Parlement européen, ou Florian Philippot (FN), devenu une véritable bête médiatique depuis deux ans (a-t-il installé un lit de camp à BFM TV ?). Malgré son manque d’expérience, le numéro 2 frontiste possède un atout supplémentaire dans sa manche : la maîtrise des  problématiques européennes. Il faut rappeler qu’avant d’apparaître avec sa véritable identité au côté de Marine Le Pen, il animait un blog extrêmement documenté sur le sujet (« Le vrai débat ») qui suivait jour après jour les décisions européennes.

Bref,  Nadine Morano souffre mal la comparaison avec tous ces spécialistes, auxquels il faut ajouter les têtes de listes des petits partis[2. Laure Ferrari, candidate de DLR, est aussi la principale collaboratrice de Nigel Farage.]. L’ancienne ministre n’a jamais montré qu’une connaissance superficielle de ces dossiers. Mais la blonde lorraine peut retourner ce handicap à son avantage. Se détournant à dessein des débats européens, elle pourrait axer sa campagne sur un discours anti-gauche efficace, en désignant ses adversaires comme des « technos ».

La décision que prendra la commission d’investiture de l’UMP en dira long sur le style que ce parti veut imprimer à cette campagne européenne ainsi qu’aux prochains rendez-vous électoraux. La notoriété ou la compétence ? La starlette ou le spécialiste ? Le Grand Est servira de laboratoire. Pour l’heure, ne le cachons pas, même si rien n’est joué, la starlette possède quelques encablures d’avance sur le spécialiste.

*Photo :  DUPUY FLORENT/SIPA. 00664159_000047.



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