Des jeunes UMP ont réveillonné avec leurs amis frontistes du même âge, tels que Florian Philippot : c’est le scoop que nous a vendu Marianne au lendemain de la fête. Il n’en fallait pas plus pour que le ban et l’arrière-ban de la classe politique s’indignent de cette « collusion » UMP-FN. Suivant la mode du grand déballage, David Desgouilles nous raconte son réveillon on ne peut plus convenable, avec des gens qui pensent bien et sans rien qui tâche…
La rédaction
31 décembre, Paris
C’est la première fois que j’organise un réveillon à Paris. Dans la France périphérique où je survis, je n’ai pas l’occasion de rencontrer des personnes dont la culture et le sens de l’éthique rivalisent avec leur engagement républicain et le goût du vivre-ensemble.
18h59
Louis-Georges Tin, ancien candidat au Prix Nobel de la Paix, arrive en compagnie d’Aymeric Caron. J’ai engagé ces deux-là comme videurs. Avec eux, aucun risque de pollution de la soirée par des éléments rappelant les heures les plus sombres de notre histoire.
19h17
Catastrophe. Le traiteur me téléphone pour m’expliquer qu’un type chevelu et barbu lui a refusé l’entrée de tous les plats à base de chair animale. Je me débrouille pour tromper la vigilance de Caron et faire passer les denrées par la fenêtre de la salle de bain. Le traiteur m’applique une surfacturation pour l’échafaudage loué et le temps perdu.
20h03
Les invités commencent à arriver. Jean-Luc Romero, Sylvain Bourmeau et Audrey Pulvar sont les premiers. Le second a déjà repéré la bibliothèque de l’ami qui m’a gracieusement prêté l’appartement. Il débute un contrôle exhaustif des auteurs.
20h17
Edouard Louis, Geoffroy de Lagasnerie et Didier Eribon arrivent. Ils regardent sous les lits afin de vérifier si Marcel Gauchet n’y serait pas caché.
21h11
Tous les invités ou presque sont arrivés. Philippe Corcuff met les rieurs de son côté en improvisant une imitation d’Henri Guaino quittant le plateau de France 5 parce qu’il a été vaincu par les arguments républicains de Jean-Luc.
21h34
Sylvain Bourmeau, qui n’a pas quitté le contrôle de la bibliothèque depuis une heure et demie, déboule dans le séjour l’air mi-indigné, mi-satisfait. Il vient de trouver L’année zéro de la gauche, de Laurent Bouvet et Laurent Baumel. Certains invités commencent à me regarder en chien de faïence.
22h08
Edwy Plenel passe une tête à mon réveillon. C’est la consécration. Il fait plusieurs selfies avec des invités, vend huit abonnements de Mediapart et gratifie l’assemblée du même sermon qu’il avait effectué à France Cul deux jours avant.
22h46
Laurent Joffrin tombe sur le catalogue d’Havas voyages. Il feuillette les pages « Croisières » avec nostalgie.
23h12
Bourmeau arrive en hurlant ! Il vient de trouver Balladur, immobile à grands pas, d’Eric Zemmour. Le bouquin avait été caché sous la bibliothèque mais cela n’a pas échappé à sa grande sagacité. La tension est réelle. J’ai beau expliquer que le lecteur a ostensiblement affublé Zemmour de petites moustaches sur la quatrième de couverture afin de manifester sa désapprobation, le réveillon risque de tourner court, trois quarts d’heure avant minuit, ce qui est un peu ballot. Je décide donc de confier à Laurent Mauduit la mission d’organiser un autodafé dans la cheminée, ce qui calme les esprits, à l’exception de celui (sic) de Cécile Duflot, qui hurle dans les oreilles de toute l’assemblée que les feux de cheminée, c’est mal. Elle tweete le feu de cheminée, de rage.
23h59
Je tiens le bon bout. Certes, Bourmeau s’est maintenant attaqué à la vidéothèque et il a fait un peu la gueule en découvrant la collection complète des Don Camillo, mais tout risque majeur d’incident a été contourné avec brio. C’est à ce moment-là que l’un des convives évoque le conflit israélo-palestinien. Le feu part avec une vitesse telle qu’on se croit très vite au cœur d’une dispute entre Gilbert Collard et Jean-Marie Le Pen dans un bureau politique du Front national. Les assiettes volent, les insultes fusent. Seul Bourmeau garde son calme. Il découpe avec application un CD de Michel Sardou qu’il a découvert dans la salle de bain.
4h02
Les invités sont partis. Les pompiers aussi. Autour de moi, tout n’est que cendres, vaisselle en miettes et désolation. Mais pourquoi ai-je demandé aux femmes de débarrasser la table ?
*Photo : melaloulse.
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