Je ne sais pas, au-delà de l’affaire Bygmalion et du retour éventuel de Nicolas Sarkozy, si ce si qui se déroule du côté de l’UMP est une bataille idéologique. J’aimerais bien. Après tout, c’est respectable une bataille idéologique et c’est même ce que l’on demande à un parti politique quand il est dans l’opposition. Réfléchir à sa ligne pour la prochaine fois. Moi, par exemple, en tant qu’électeur de l’autre bord, ça m’intéresse de savoir où va l’UMP politiquement. Sur une ligne centriste, européenne, raisonnablement libérale (oui, on peut être raisonnablement libéral, enfin, il paraît), ce qui semble être l’option du triumvirat provisoire Juppé-Raffarin-Fillon ou si au contraire elle fait le choix d’un ancrage clairement à droite comme le proposent Dati, Wauquiez, Guaino et Peltier dans un appel publié par Valeurs Actuelles.
D’ailleurs, s’il devait y avoir des primaires ouvertes à droite, comme l’avait fait le PS avant 2012, j’y participerais quitte à payer quelques euros symboliques et à signer une déclaration indiquant que je souscris aux valeurs fondamentales de la droite. Il m’étonnerait, en effet, qu’une telle déclaration puisse être autre chose, comme l’avait été celle des primaires PS, qu’une pétition de principe autour de quelques grandes valeurs républicaines déclinant notre chère vieille devise nationale :« Liberté, égalité, fraternité ». Je voterai évidemment pour le moins à droite, ce qui est de bonne guerre, comme j’avais voté pour le plus à gauche pour les primaires du PS. La politique du pire, ce n’est pas mon genre de beauté.
Seulement voilà, le climat est très bizarre. Pour tout dire, le climat est très à droite, vraiment très à droite, voire réactionnaire. L’offensive a lieu sur tous les fronts, même le Front national. Résumons l’état des opérations : face un gouvernement de gauche qui n’a jamais été aussi peu à gauche, ça tire de partout, et ça donne une légère impression d’encerclement.
Par exemple, il y a ce recul sur l’ABCD de l’égalité de la part de Hamon et de l’inénarrable Najat Vallaud-Belkacem. Je n’étais pas un fan de l’ABCD de l’égalité, c’est le moins qu’on puisse dire. Fruit de l’aile la plus radicale d’un petit noyau féministe qui avait fait sa place dans les cabinets ministériels comme un coucou vient squatter un nid qui n’est pas le sien, ce dispositif alliait la niaiserie pédagogique au cynisme politique, en focalisant la communauté scolaire sur un problème franchement annexe si l’on voit à quoi en est réduit l’Education nationale toujours en proie à une grande misère du recrutement. Il n’empêche, nos deux excellences ont capitulé face à une fraction extrémiste allant de Christine Boutin à la soralienne Farida Belghoul qui a joué sur les pires fantasmes, les pires pulsions et a même initié, avec la journée de retrait de l’école, une opération de type factieux. Ce recul ne peut que leur donner des ailes et on attend d’ores et déjà la prochaine offensive contre l’école de la république. Hamon et Vallaud-Belkacem, pour reprendre les mots de Churchill ont voulu éviter la guerre au prix du déshonneur et ils auront le déshonneur et la guerre. Ils ont oublié, en la matière, que persévérer n’est pas diabolique : au contraire, persévérer est politique et rien ne les aurait empêchés de faire le gros dos et de vider progressivement ces ABCD de leurs contenus.
Dans un autre genre de beauté, la lettre des patrons au JDD exigeant du gouvernement une accélération des réformes et l’entrée dans la loi du pacte de responsabilité, allant jusqu’à demander que le Parlement, cet emmerdeur, ne vienne pas les contrarier par des amendements liberticides, indique bien que lorsqu’on n’établit pas de rapports de force, ou qu’on ne tente même pas de le faire, on donne des ailes à un adversaire qui n’en espérait pas tant. Un tel comportement maximaliste avait d’ailleurs naguère affolé jusqu’à Laurence Parisot elle-même qui reprenait sans la célèbre phrase de Warren Buffet qu’on ne cite hélas pas souvent en indiquant que le milliardaire déplorait cet état de chose : « C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner” Cette révolte des patrons succède d’ailleurs à un conflit social, celui des cheminots, qui s’est déroulé dans une atmosphère de lynchage rarement atteinte dans laquelle les grévistes n’ont jamais pu, à un seul moment, faire état du fond de leurs revendications qui n’avaient rien de corporatiste mais voulaient sauver ce qui restait du service public.
Le comble du délétère est maintenant atteint avec le parcours de l’Algérie en coupe du monde. Entre un sondage pour les internautes du Point, reprenant telles quelles les propositions de Marine Le Pen sur la fin de la double nationalité (sondage retiré car il est trouvé consternant par la rédaction elle-même et l’arrêté d’Estrosi interdisant les drapeaux étrangers ostentatoires, ce qui a tout de la mesure vexatoire, on a vraiment l’impression que l’on joue à la prophétie autoréalisatrice et qu’on attend les émeutes entre effroi et extase. Distinguer le voyou du supporter ne vient plus à l’idée de personne, savoir que l’on peut vibrer pour les deux équipes non plus. Et encore moins le fait que certains porteurs de drapeaux ostentatoires paient des impôts et cotisent pour les retraités niçois non plus.
On pourra toujours me dire, après, que c’est la gauche qui est au pouvoir, moi, je sais que l’été 2014 penche à droite. Très à droite.
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