En France, la gauche a une chance exceptionnelle. Il lui suffit de l’être pour avoir raison. Même quand elle se prend une rouste dans les urnes. Parce que chez nous, c’est elle qui décide, c’est comme ça. Ces jours-ci par exemple, elle prend à nouveau ses responsabilités dans ce qu’elle appelle la « recomposition de la droite ». Normal, puisque celle-ci a gagné partout, il est grand temps qu’elle se recompose. Mais elle ne saurait y parvenir seule, la pauvre.
La droite française est toujours « la plus bête du monde » (© Guy Mollet). Et elle le prouve à la moindre occasion. Au lieu de se réjouir de son éclatante victoire aux municipales, et d’en profiter pour se choisir un chef digne de ce nom (pas Copé, quoi), elle poursuit gaiement sa décomposition. Et ce faisant, elle laisse encore une fois la gauche lui montrer la voie… vers sa prochaine défaite électorale.
Car n’en doutons pas, le plus grand défi de la droite, dans cette Vème République inventée pour elle, reste encore et toujours de réussir l’exploit de perdre une élection. Pour ce faire, la gauche, elle, n’est jamais à court d’idées. Et d’abord la gauche au pouvoir, bien au-dessus des élus locaux administrant leurs 36 000 clochers, c’est-à-dire les vieux médias de gauche et leurs patrons milliardaires.
Pour donner une chance à la droite de perdre, ils ont déjà pensé à tout. Le meilleur scénario leur semblait jusqu’à présent de tout miser sur Sarkozy. Déjà multidiabolisé, politiquement carbonisé par cinq ans de gestion d’une crise inédite, il était sans conteste le parfait candidat à battre. Il suffisait donc de l’attaquer quotidiennement, sur tous les fronts, obligeant les braves électeurs de droite à le défendre, pour le présenter comme leur champion. Et le convaincre de revenir.
Mais avec la déculottée historique du PS aux municipales, de nouvelles opportunités de « recomposition » encore plus certainement fatales à la droite se sont fait jour. Au premier rang desquelles le score inespéré d’Alain Juppé dans sa petite bourgade de bord de mer. Tout le monde avait oublié celui que la gauche a toujours aimé que la droite appelle « le meilleur d’entre nous », mais l’occasion était trop belle de le rappeler aux affaires. À grands coups de « unes » de journaux, les flatteurs se sont mis à l’ouvrage.
Résultat : si le plan se déroule sans accroc, François Fillon devrait être relégué au rang de petit outsider inoffensif sous peu, et Henri Guaino continuer d’amuser la galerie sans se laisser pousser plus de velléités. Quant à Jean-François Copé, inutile de l’aider à se désintégrer. Le Maire ? Wauquiez ? Qui c’est ? Non, le peuple de droite n’aura plus le choix qu’entre un ancien président et un ancien premier ministre connus pour avoir su offrir ses plus belles mobilisations à la gauche, contre eux.
Avec le concours larmoyant d’un perdant patenté comme François Bayrou, redevenu le caillou des Pyrénées idéal à glisser dans la chaussure de ses futurs ex alliés, on voit à peu près où tout cela est censé nous mener. Sauf si on est un responsable politique de droite, bien sûr, convaincu d’avoir repris les commandes du pays sous prétexte de vague bleue printanière. « Victoire, victoire ! » La gauche française reste au pouvoir.
*Photo : SERGE POUZET/SIPA. 00680297_000002.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !