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Ulysse, reviens!

«Télérama» revisite la mythologie grecque


Ulysse, reviens!
La mascotte Ulysse des années 80 de Télérama iconique.

Pour les notes accompagnant ses critiques, l’hebdomadaire culturel de gauche remplace sa mascotte habituelle par un personnage féminin. « En ce XXIe siècle où les femmes commencent enfin à trouver dans nos sociétés la place qu’elles méritent, pourquoi assujettir nos choix à un regard masculin, si légendaire fût-il ? » se justifient les journalistes.


Depuis plus de soixante-dix ans, le magazine Télérama utilisait pour noter les films ou les livres un petit personnage appelé Ulysse. Il y eut un Ulysse avec mèche, un Ulysse Senior, un Ulysse sans mèche, un Ulysse sans corps, un Ulysse avec corps, etc. Selon la qualité supposée du film ou du livre, Ulysse souriait plus ou moins franchement ou faisait carrément la gueule. Mais c’était toujours Ulysse, c’est-à-dire un homme, qui faisait la pluie et le beau temps sur la critique cinématographique et littéraire téléramesque.

Cela ne pouvait plus durer, il était temps qu’Ulysse change de genre et rende ainsi hommage aux femmes.

Zéro T pour la phallocratie !

Mon petit doigt me dit qu’une nouvelle génération de journalistes de Télérama a dû vertement attirer l’attention des plus anciens sur cet Ulysse vantard, ce symbole nocif du phallocentrisme. J’entends d’ici la philippique des jeunes pousses aux vieux croûtons du magazine télé: « Votre Ulysse c’est rien qu’une figure du patriarcat, un agent de la domination masculine, un spécimen arriéré et toxique, un prétentieux qui donne son avis sur tout, tout le temps, avec l’assurance du mâle antique. Il suffit d’ailleurs de se rappeler qui était Ulysse, le vrai, celui d’Ithaque et de la guerre de Troie, pour comprendre ce qu’évoque en réalité votre figurine obsolète. Ulysse, c’est le gars qui épouse Pénélope après avoir été le vainqueur de jeux l’opposant aux princes grecs désirant comme lui culbuter la belle Pénélope sans lui demander son avis et avec le seul consentement du père. Ensuite, c’est le type qui tente de se faire passer pour fou pour échapper à la guerre, soi-disant par amour pour sa femme, tu parles ! C’est le mec qui, démasqué, obligé de partir combattre, disparaîtra vingt ans et racontera à son retour des histoires à dormir debout pour justifier son absence prolongée : et vas-y que Poséidon l’a empêché de rentrer ; et vas-y que des sirènes aux chants divins ont failli l’emprisonner ; et vas-y que Circé a transformé ses compagnons en cochons et que lui-même n’a pu échapper au sortilège de la magicienne qu’en couchant avec elle (bah voyons !) ; et vas-y que Polyphème le Cyclope lui a lancé des rochers de la grosseur d’une île ; et vas-y que la belle Calypso l’a retenu sept ans contre son gré… Bonjour le mythomane ! Pendant qu’en réalité Ulysse se saoulait la gueule avec ses camarades et s’envoyait en l’air avec dieu sait qui et sans doute pas toujours avec le consentement de ses victimes, la vertueuse et fidèle Pénélope aura passé son temps à tisser un voile mortuaire le jour, à le détruire la nuit, à recommencer son travail le lendemain et à le détruire à nouveau la nuit d’après, et ainsi de suite pendant des années pour échapper aux cent quatorze prédateurs qui la harcelaient. Vous ne croyez pas qu’il est temps de rendre hommage à Pénélope en particulier et aux femmes en général, bande de salopards phallocrates ? »

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Si on écoute Sandrine Rousseau, on embastillera les hommes pour une blague salace ou une invitation à dîner!

Talentueuse Pénélope Bagieu

La diatribe a porté ses fruits. Télérama vient de décider de remplacer Ulysse par une nouvelle effigie appelée Pénélope et dessinée par une autre Pénélope, nommée Bagieu, laquelle n’a pas été choisie par hasard. Il y a quelques mois, une journaliste de l’hebdo culturel le plus woke de France a été ravie de rencontrer cette dessinatrice à New-York dans un « espace de coworking non mixte : interdit aux hommes. […] où trône un néon indiquant “No man’s land ” » [1]. Très engagée dans le « combat féministe », Pénélope Bagieu a d’abord créé un « recueil de femmes inspirantes et inspirées », une BD intitulée Les Culottées. Elle vient de sortir un nouvel album [2]dans lequel elle évoque son enfance, son adolescence, « le début de sa vie d’adulte et les hommes et les abus dont elle a été victime ». S’inspirant de ses BD, des collégiennes ont montéune pièce de théâtre leur permettant « de s’attaquer aux stéréotypes de genre dans un spectacle qui a la vocation de faire réfléchir les gens sur les clichés et d’éveiller les consciences égalitaires » [3]. Autant dire que Pénélope Bagieu avait toutes les qualités requises pour devenir la dessinatrice de ce nouveau personnage qui “revisibilise” les femmes jusque dans les moindres recoins du magazine le plus progressiste de Paris.

La dessinatrice Pénélope Bagieu à une marche « Nous toutes » en 2019 © CELINE BREGAND/SIPA

Télérama gobant toutes les âneries qui traînent, il devra d’ici peu changer à nouveau son petit personnage et le remplacer par un autre, plus proche des nouvelles tendances dégenrées qui se dessinent. Pour rester dans le domaine mythologique, je lui conseille un personnage qui fera la joie des non-binaires et des bisexuels, des transgenres et des pansexuels, de tous les gender fluid de France et de Navarre : Hermaphrodite.

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(1) Télérama, 7 juin 2021.

(2) Les Strates, Gallimard.

(3) Site Madmoizelle, 29 mars 2018.



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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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