Ultreïa, on y croit !


Il n’est pas si courant que je prenne la plume pour défendre la concurrence. Exception faite de la fine équipe de Conflits, je prends un malin plaisir à ne jamais fricoter avec nos confrères. Mais l’heure est grave : une belle et grande revue sur les religions sort en kiosque sous forme de mook, avec en titre le cri de ralliement des pèlerins de Compostelle : Ultreïa ! Faisant fi des querelles de chapelles, Ultreïa prend clairement le parti de l’éclectisme, non pour nous vendre quelque camelote New Age syncrétique, mais tout simplement pour comprendre, exposer et expliquer, trois verbes qui indisposent les sectateurs de tout poil.

Ses 218 pages richement illustrées nous font donc voyager de l’ésotérisme soufi d’un René Guénon à « l’illumination italienne de Simone Weil », en passant par un entretien avec Pierre Rabhi, qui vaut définitivement mieux que son image de gentil écolo médiatique. Rabhi, l’Ardéchois d’adoption ne s’effarouche pas des géniales vociférations spirituelles de Léon Bloy, conte son amitié avec Gustave Thibon, son admiration pour l’anti-industrialisme d’Ivan Illich, et nous offre quelques aphorismes bienvenus : « Quelqu’un qui donne sa vie contre un salaire est un esclave, sauf si ce qu’il fait l’accomplit. »

Le charme d’une telle publication, c’est qu’on y passe du coq à l’âne en un clin d’œil.  Quoique, entre la sobriété enracinée d’un Rabhi et l’éveil à la foi chrétienne d’une Simone Weil, la parenté soit évidente. Ainsi Christiane Rancé, biographe de cette grande philosophe morte à 34 ans, narre-t-elle un épisode aussi méconnu qu’essentiel de sa courte vie. Déjà tuberculeuse, Simone Weil entame en 1937 un long voyage en Italie pour trouver le repos. « Jour après jour, les paysages, la douceur, la lumière opéraient une conversion de son âme à la beauté », écrit Rancé, nous racontant la révélation qu’eut Weil dans la petite chapelle d’Assise où elle entendit Dieu et s’agenouilla pour la première fois. Bouleversée par les chœurs de la chapelle Sixtine, l’auteur de La pesanteur et la grâce éprouve un sentiment de communion avec l’Eternel et ses semblables qui firent de son escapade italienne un épisode inoubliable de son existence. Comme elle l’écrit alors, « Si le Paradis ressemble à cela, ça vaut la peine d’y aller.»

Croyez-moi, Ultreïa, ça vaut le coup d’être lu et relu !



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