L’Ukraine dit «Touche pas à ma pute» pour plaire à l’UE


L’Ukraine dit «Touche pas à ma pute» pour plaire à l’UE

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Alors qu’en France, la loi sur la pénalisation de la prostitution est en ballotage entre l’Assemblée Nationale et le Sénat, en Ukraine, la Rada a enregistré une proposition de loi sur sa régulation. Aussi étrange que cela puisse paraître aux yeux Français,  le texte ukrainien vise à séduire l’Union Européenne. Comme l’a évoqué le député à l’initiative de ce projet, Andreï Nemirovski, membre du parti du Président Petro Porochenko, le but est de se conformer aux standards bruxellois  : « l’Ukraine doit se mettre au même niveau qu’un pays développé de l’U.E. » Pour appuyer son projet, il énumère les États dont il s’inspire : l’Allemagne, le Pays-Bas, la Belgique…  et la Lettonie.

Au pays où les Femen poussent comme des champignons, la proposition poursuit pourtant son petit bonhomme de chemin. Le président du parti « auto-défense », majoritaire à l’Assemblée et proche du Président, soutient officiellement le projet. D’autres grands noms avaient déjà soutenu cette idée : Victor Iouchtchenko, lorsqu’il était Président, avait exprimé son envie de réguler le marché noir de la sexualité. Une initiative ensuite reprise par le maire de Kiev, Vitali Klitschko, qui rêvait d’un Euro 2012 « propre », histoire de ne pas « faire peur aux Européens ».

Ce n’est sûrement pas votre magazine préféré qui leur donnera tort. Nous étions les premiers à prendre la plume pour dénoncer l’hypocrisie gouvernementale derrière sa croisade abolitionniste. Nos 343 salauds, décriés comme les pires phallocrates, invoquaient avant tout le droit des femmes de disposer librement de leurs corps. Une liberté que le prêchi-prêcha féministe n’a pas l’air de vouloir intégrer. Mais voilà, l’Ukraine suit les recommandations d’Amnesty International et, quoiqu’on puisse penser du respect des droits de l’homme au pays de Gogol, force est de reconnaître que cette loi contribuerait à sortir les travailleurs sexuels de la précarité.

Mais ne soyons pas dupes : le parti « auto-défense »  cherche avant tout à ouvrir un marché colossal. En député pointilleux, Nemirovski avait même pensé à joindre à son texte une annexe présentant les tarifs pratiqués dans les pays européens et les taxes correspondantes. Au vu de son économie vacillante, que l’Ukraine z’yeute l’argent sale de la prostitution n’a rien de très étonnant. 12 000 travailleurs sexuels –officiels, ça représente un revenu important, qui tombe, en attendant, direct dans la poche des mafias. Alors, si l’Etat peut faire une pierre trois coups, pourquoi pas ?

Pour une fois, ce ne sont pas les Russes qui feront dresser les cheveux de notre gouvernement. Que dira Najat Vallaud Belkacem qui appelait, en 2013, « à faire bloc » contre « l’exploitation de la personne humaine » ? Pourtant, pour le moment, nous ne voyons aucune gesticulation féministe à l’horizon. Pas non plus de seins nus en vue. Même pas le bout du nombril d’Inna Shevchenko qui clamait il y a deux ans « L’Ukraine n’est pas un bordel ! » sur la place Maïdan. Les Femens auraient-elles compris que la liberté de la femme ne s’arrête pas à là où commence celle de l’homme ?  Inquiet pour leur santé, Causeur a décidé d’enquêter. Le résultat a en effet de quoi préoccuper : plutôt que d’enlever son tee-shirt devant l’Assemblée ukrainienne, Inna Shevchenko a rendez-vous aujourd’hui même à Sciences-Po pour y donner une conférence !

Inna Shevchenko se boboïse ? L’Ukraine évolue ? Le monde change, semble-t-il. Mais chut, ne le dites pas à notre Parlement, désespérément obstiné à pénaliser les clients des prostituées.

*Photo: Sipa. numéro de reportage: REX40306421_000004



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est journaliste à Causeur

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