Après l’étonnante élection à la Présidence de l’Ukraine de Volodymyr Zelensky, et le succès massif de son parti de néophytes aux élections législatives, tout est devenu possible! Une chance pour l’Ukraine… et pour l’Europe.
Est-ce la chance de la grande Europe associée à la grande Russie ? Tout est possible. Un acteur, campant à la télé un professeur d’histoire qui devient président, n’est-il pas devenu lui-même président dans le monde réel ?
Un espoir à l’Est
Beaucoup de Français savent que leur roi Philippe 1er est ukrainien par sa mère Anna Iaroslavna de Ruthénie, princesse de Kiev. Et il y a en France des descendants des Ruthènes, venus probablement des Carpates il y a 25 siècles, devenus le peuple Rutène, puis le Rouergue. Tout Français, tout Européen, ne peut qu’être attentif et sensible au destin terrible de l’Ukraine qui a mérité de construire son bonheur et qui est la clef de la paix et de l’unité sur notre continent. Car l’Ukraine, du fait de sa situation historique, géographique, religieuse et culturelle doit et peut devenir le trait d’union entre l’est et l’ouest et cesser d’être le théâtre de la désunion, de la guerre ou de la pauvreté. Ma longue vie professionnelle et mon expérience sur les économies en transition, les réformes juri-économiques qui leur conviennent, ainsi qu’une approche philosophique des questions nationales, me font croire que je peux accéder à une honnête compréhension des objectifs que l’Ukraine devrait se fixer pour construire son avenir et pour jouer un grand rôle dans l’Europe de demain. La construction d’une nation, d’une démocratie, d’une économie, et d’une société solides ne peut se faire que de bas en haut – selon un modèle naturel dit « constructal » – et pas de haut en bas.
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La paix passe par la liberté, la nation et la démocratie. Elle ne peut s’imaginer sans le respect et l’écoute des populations en quête de reconnaissance, notamment celle qui touche à leurs identités, leurs langues, leur besoin de proximité démocratique. Nombreux sont les pays qui ont adopté dans leur constitution le bilinguisme, qu’il soit national ou simplement régional. Nombreux sont ceux qui ont pris des options politiques fédérales ou simplement régionalisées. Pourquoi pas l’Ukraine ?
Rétablir la confiance
Le droit sera important. Le président le sait puisqu’il a reçu une formation de juriste et que beaucoup de juristes ont rejoint son projet politique et son parti. Le droit, en Europe, est, depuis les origines, intimement lié à des principes anciens et intangibles de liberté, de consensus et de responsabilité. Le citoyen ukrainien n’aura confiance dans la Cité que s’il sait que, par-delà la puissance, la violence et l’argent, il peut faire confiance à un juge qui appliquera, sans faillir, les règles de droit que ses représentants ont votées.
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Économiquement, l’Ukraine devra protéger un développement autocentré comme l’ont fait, dans l’histoire, toutes les économies qui se sont développées. Ukrainiens, n’ouvrez pas vos frontières aveuglément, protégez et guidez la libre entreprise ukrainienne sans la laisser pour autant devenir oligopolistique, et ne vous laissez pas dominer par les firmes multinationales dont le développement de votre pays est le cadet des soucis. Ne vendez pas votre patrimoine national et conservez les services publics ukrainiens. Permettez aux consommateurs de se défendre, y compris par leurs associations, devant les tribunaux.
Eviter l’intégration européenne hasardeuse et ne pas fâcher le géant russe
Tout ceci devra être expliqué, encore et toujours, dans les médias et dans les écoles. Faire parler et débattre les philosophes, juristes et économistes universitaires. Ce qui a été fait au plan économique en Europe de l’ouest ou dans les pays de l’est dans les années 90 doit vous servir de modèle… à ne pas suivre. Au moment où l’UE commence à se défaire, il vaudra mieux trouver avec les pays de l’ouest des accords de coopération, collectifs ou bilatéraux, que de tenter une intégration qui ne se fera pas tout de suite et pourrait dévaster le tissus économique actuel, désuet, certes, mais qui a le mérite d’exister. Au moment où l’OTAN est remise en question, n’irritez pas votre puissant voisin en réclamant d’y entrer, ce qui se serait pour lui une provocation intolérable, gage d’échec.
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Faites plutôt en sorte que de nouveaux accords de Minsk soient l’occasion de dépasser le seul cas de l’Ukraine et que votre pays puisse être à l’origine magnifique d’une pacification de tout notre continent avec le retrait des armes atomiques tactiques, la garantie des frontières et des souverainetés, la démilitarisation. Au demeurant, la Russie pourra elle aussi profiter de la réunion de la famille européenne que vous aurez facilitée, pour passer des accords avec l’ouest et avec l’Ukraine, après la levée de sanctions qui n’auront plus aucune raison d’être.
Bonne chance au peuple ukrainien ! La tâche est encore plus importante qu’il ne le pensait, car elle concerne non seulement son pays au premier chef, mais elle est aussi continentale.
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