Le réel, c’est trop dur


Le réel, c’est trop dur

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La Grande-Bretagne a annoncé son intention d’envoyer des soldats en Ukraine pour y former un peu mieux l’armée régulière à distinguer les combattants pro-russes des soldats russes qui ne sont pas vraiment russes, d’après Vladimir Poutine, et qui se sont égarés là en confondant bêtement front et frontière. L’armée britannique va donc expédier 75 instructeurs qui resteront au moins six mois en Ukraine, où ils rejoindront leurs confrères des forces spéciales américaines qui se sont eux aussi égarés en faisant du tourisme en Europe, pour apprendre à leurs homologues ukrainiens à bien lire la nouvelle carte de leur pays. Toujours partisan de l’option diplomatique dans cette crise, David Cameron a cependant défendu l’envoi de matériel et de troupes en affirmant : « Nous voyons des chars russes, des missiles Grad russes […] ; ce ne sont pas des choses que l’on achète sur Ebay ».

On espère en tout cas que les instructeurs anglais ne se retrouveront pas sur Ebay, tout comme les vétustes blindés de type Saxon envoyés à l’Ukraine il y a une dizaine de jours et… déjà revendus selon une désobligeante rumeur, que Mark Almond commente avec délice sur le très libertarien et non-interventionniste Ron Paul Institute: « il y a des moments où même le sens de la satire de Jonathan Swift est dépassé par la réalité. » Il faut dire que les véhicules sont des vestiges de la guerre froide, produits dans les années 70 et ayant largement démontré leur incapacité à opérer correctement sur les champs de bataille des Balkans, comme le rappelle un site spécialisé britannique. Le gouvernement britannique n’a pas procédé lui-même à la vente, opérée par une société privée écran, car, officiellement, il n’y a pas d’engagement britannique en Ukraine. Cela tombe bien, il n’y a peut-être déjà plus de blindés britanniques non plus… Peut-être ont-ils déjà été revendus à des groupes pro-russes ?

L’ambassade de Grande-Bretagne à Kiev a publié mercredi un tweet ironique indiquant « Poutine nie encore que des troupes et matériels de Russie sont en Ukraine ». Le tweet comporte une photographie de char russe et la mention « Voici un guide pour aider le Kremlin à reconnaître ses chars ». Peut-être cela servira-t-il également à les distinguer des blindés Saxon britanniques qui pourraient se retrouver dans le mauvais camp, à force de passer de mains en mains…

Peut-être l’ambassade de Grande-Bretagne ou le ministère de la Défense britannique pourraient-ils prêter également main-forte à la France en faisant circuler des tweets d’identification ou en envoyant des instructeurs pour reconnaître chez nous les auteurs d’actes antisémites ? Le gouvernement et François Hollande ont en effet lancé une tonitruante croisade, promettant mises en examen et condamnations rapides à tous les propagateurs de haine raciste, antisémite et homophobe sur internet et ailleurs. Mais si l’identification des odieux racistes n’a jamais réellement posé problème, grâce au travail mené conjointement par SOS Racisme et Dieudonné, il s’avère plus difficile semble-t-il de bien cerner la personnalité des auteurs d’actes antisémites et homophobes, comme le démontre la récente brouille entre le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) et Roger Cukierman, président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF), après que ce dernier a déclaré, au micro d’Europe 1 le 23 février : que “toutes les violences aujourd’hui sont commises par des jeunes musulmans”. Roger Cukierman aura beau préciser le lendemain : « j’ai également ajouté que c’était une infime minorité de la communauté musulmane qui en était responsable », rien n’y a fait, la bonne presse s’est émue et ce n’est qu’in extremis que François Hollande réussit finalement à obtenir que Roger Cukierman et Dalil Boubakeur se serrent la main pour montrer qu’ils étaient redevenus copains, en dépit du « dérapage ». Ce qui nous laisse face à un mystère : puisqu’il n’existe pas d’antisémitisme au sein de la communauté musulmane, ni dans les banlieues, où se cachent donc les auteurs des tweets, posts et hashtags sanguinaires qui circulent sur internet et de tous ces actes que le gouvernement veut s’empresser de réprimer au nom de la liberté d’expression en danger (si j’ai bien tout suivi) ? Chez les antifas qui profanent les cimetières ?

Chez des instructeurs anglais antisémites parachutés nuitamment par des drones pro-russes au-dessus de Paris ? Non, la réponse est pourtant simple et toujours aussi évidente : l’extrême droite est bien la seule et unique responsable de l’antisémitisme en France (et de l’homophobie, comme l’avait bien montré l’affaire de l’agression de Wilfrid à Belleville, en plein débat sur le mariage pour tous d’ailleurs). Roger Cukierman a donc été prié de rectifier le tir et l’on n’a pas manqué de rappeler, histoire de bien enfoncer le clou, les propos affligeants du président du CRIF qui considère le Front national comme un parti à éviter mais juge Marine Le Pen, « irréprochable personnellement » pour ce qui est de la condamnation de l’antisémitisme ou du négationnisme. Tout est donc rentré rapidement dans l’ordre, le politiquement correct a repris ses droits et la communication élyséenne suit à nouveau son cours normal. Dans sa croisade contre l’antisémitisme, le racisme et la haine sous toutes ses formes, le parti socialiste aurait sans doute lui aussi besoin d’instructeurs ou de photographies pour l’aider à bien identifier l’adversaire qui se trouve pourtant constamment sous ses yeux : la réalité.

*Photo : Pixabay.



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