Prenez votre potion magique cet été en vous rendant à la grande rétrospective Uderzo au musée Maillol, à Paris !
Il y a, au départ, cette patte sensationnelle. Phénoménale pour un enfant alors que ses petits camarades d’école dessinent si grossièrement. Les lourdauds ne possèdent ni la grâce, ni le talent des très rares élus. Surdoué et choisi par les dieux du dessin, le jeune Albert Uderzo l’était assurément dans sa dextérité à reproduire la réalité et surtout à déjà insuffler une touche de fiction dans ses premiers crayonnés au temps lointain de Clopinard, son héros originel. Cet « ancien grognard de Napoléon, vagabond de nos jours » affublé d’une jambe de bois à ressort et dont le caractère était qualifié de gai, très malin et courageux à part pour le travail. Nous étions en 1945.
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La BD, c’est beaucoup plus que la BD
Uderzo ne se contentait pas de croquer la vie quotidienne, il lui donnait de l’épaisseur, la tordait pour l’amener vers la fantaisie, le mouvement permanent et la caricature rieuse. Il faisait le pont entre l’artisan besogneux et l’artiste céleste afin de parvenir à cette planche parfaite, puis, avec effort et obstination, il aboutissait au miracle des quarante-quatre pages, soit l’album rond comme la Terre.
La main la plus experte au monde ne vaut rien sans l’intelligence qui la commande, sans le sens de l’ensemble, l’importance du placement et de la profondeur, la psychologie des caractères et l’élan comique nécessaire à l’élévation spirituelle du public. Car, ne vous y trompez pas, la BD populaire, celle vendue à des millions d’exemplaires et traduite dans plus de cent langues, c’est toujours beaucoup plus que de la BD.
Un monde réenchanté
Ne riez pas ! C’est un état d’esprit qui se propage tout au long de l’existence. Je peux vous affirmer que les disciples de l’école Spirou, Tintin ou Pilote gardent en eux, les ferments d’un monde réenchanté, chacun s’étant forgé sa propre grille de lecture dès l’enfance, acceptant plus ou moins le décalage ou l’ironie, mais conservant cet acquis stylistique jusqu’à la fin de leurs jours. Uderzo décédé en mars 2020 était un dessinateur supérieurement intelligent par ses mises en scène, bienveillant sans être gnangnan, travailleur acharné et opiniâtre, férocement malicieux pour avoir durablement imprimé l’imaginaire de plusieurs générations.
Quelle heureuse initiative du musée Maillol sous l’impulsion de son président Olivier Lorquin et de Sylvie Uderzo, d’avoir ouvert les archives familiales et de nous faire pénétrer dans l’antre de la création. L’exposition s’appelle « Uderzo, comme une potion magique » et restera ouverte jusqu’au 30 septembre 2021. Enfin quel parcours pour cet immigré italien né en 1927, résidant dans une HLM juste en face du cimetière de Bobigny qui allait devenir un fleuron de l’intégration française sans les flonflons identitaires ! L’admirable Goscinny, son véritable copain, aucune jalousie chez ces seigneurs-là, prend parfois un peu trop de place dans les médias.
Uderzo et Goscinny, une mythologie fondatrice
La légende s’écrit à deux. On loue à raison, le génie de la formule goscinnesque, les percussions du langage imagé et de la culture classique, sous-tendue par un humour tendre. Toujours d’une élégance remarquable sur la crête des sentiments comme dans cet extrait de Comment Obélix est tombé dans la marmite du druide quand il était petit : « Obélix était déjà un gros garçon, très gourmand, très gentil et très sensible. Et je sais que ça va vous surprendre, mais Obélix n’aimait pas se battre […] Aussi nos camarades se moquaient souvent de lui et le prenaient pour une tête de Barbare. Mais Obélix se bornait à sourire pacifiquement et, parfois, je devais le défendre contre les autres ». Ces deux-là devaient se rencontrer. Astérix et Obélix. Uderzo et Goscinny. Ils sont les pères à parts égales d’une mythologie fondatrice.
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L’exposition revient sur le talent immense du dessinateur qui, à la mort de René Goscinny en 1977, décida de continuer l’aventure Astérix avec succès. On se rappellera également de l’indien Oumpah-Pah, « leur première véritable BD en commun » qui fut aussi « leur premier échec » ou de Jehan Pistolet, le corsaire. La main d’Albert excellait dans tous les registres, du Comics aux traits cinématographiques, de Daumier à Dubout, du Moyen Âge aux avions supersoniques, mais s’exprimait magistralement dans le gros nez ! Il est le Cyrano des dessinateurs, il en a l’emphase et la nostalgie, la puissance comique et la quête absolue d’aventure. On se rend mieux compte des extraordinaires dons d’Albert en revoyant son travail pour la grande presse, notamment dans l’illustration des faits divers. Il est prodigieux de précision, on le savait depuis « Tanguy et Laverdure », aussi minutieux dans les détails mécaniques qu’architecturaux. Quand les meilleurs de sa profession s’arrêtaient là, lui allait plus loin, il y ajoutait le gag et l’action, la fluidité et la rêverie.
Avant que le premier satellite français se nomme Astérix en 1965, l’histoire avait démarré en 1959 avec cet avertissement pour le jeune public qui agit depuis comme un mantra : « Astérix incarne malicieusement toutes les vertus de « nos ancêtres les Gaulois ». L’humour de René Goscinny et de Albert Uderzo, vous fera aimer ce petit guerrier moustachu, personnage nouveau dans le monde des bandes dessinées ».
Rétrospective « Uderzo, comme une potion magique » jusqu’au 30 septembre – Musée Maillol – museemaillol.com
Uderzo, comme une potion magique (catalogue officiel d'exposition-musée Maillol)
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