Ces derniers-temps, Uber s’est frotté à la société française et, s’il a rencontré l’opposition musclée des taxis, c’est la justice qui a circonscrit son périmètre d’action. Mais il n’y a pas que dans notre pays, prétendument gangréné par l’immobilisme, que l’entreprise de chauffeurs privés subit les affres de la justice. Aux Etats-Unis, les critiques se multiplient à l’encontre d’Uber et la société vient de perdre un procès qui pourrait lui coûter cher.
En se plaçant sur le secteur des compagnies de transports, Uber assume, d’une certaine manière un service d’intérêt général et doit, dans ces conditions, rendre des comptes fréquemment auprès de nombreuses autorités juridictionnelles, notamment en livrant des informations sur le fonctionnement et la qualité de ses services. Problème, l’entreprise fait régner l’opacité autour de son activité et se refuse à communiquer certaines données.
En Californie, elle a donc été condamnée à verser 7,3 millions de dollars d’amende pour n’avoir pas su fournir les documents nécessaires à l’évaluation de ses services. Le principal reproche fait à Uber : la disponibilité de véhicules accessibles aux handicapés est insuffisamment renseignée. La California Public Utilities Commission (CPUC), un organisme chargé de veiller à la bonne marche des services d’intérêt public gérés par le privé, a donc condamné Uber ce 15 juillet. Si la société ne paie pas son amende sous un mois, ses activités seront suspendues dans tout l’Etat de Californie.
La CUPC avait lancé une campagne de collecte d’informations auprès de toutes les sociétés de transports en réseau de l’Etat. Toutes les compagnies étaient sommées de répondre à l’enquête avant Septembre 2014. D’autres entreprises du même type, notamment Lyft et Sidecar, ont elles aussi été interrogées mais Uber est la seule à n’avoir pas répondu de manière satisfaisante. Un grand nombre d’informations était demandé : les causes des accidents dans lesquels les chauffeurs étaient impliqués, le nombre de courses demandées mais refusées par les chauffeurs, le coût moyen d’un trajet et, donc, le pourcentage de refus adressés aux requêtes de véhicules accessible aux handicapés. Le contentieux entre Uber et la CUPC repose sur le fait que la compagnie ne veut fournir que des données anonymes.
Dans le journal américain Re/code, la CUPC explique pourquoi elle demande ces informations : « Nous voulons réunir les informations nécessaires pour assurer la surveillance des compagnie de transports en réseau, cela au nom du public de ces compagnies. Nous voulons assurer que ces services fonctionnent de manière non-discriminatoire, en offrant un égal accès et la sécurité à tous ».
Les responsables d’Uber se défendent cependant d’avoir voulu tromper la CUPC. Questionné par le journal Re/code, un membre de la firme déclare qu’un « nombre substantiels de données a été remis à la juridiction », des données « que nous avons fourni à d’autres organismes sans ne jamais recevoir de plaintes ». Cependant, pour justifier son non-respect de la règle de transparence, la compagnie invoque le droit à l’anonymat aussi bien de ses employés que de ses clients.
Pourtant, contrairement aux dires des dirigeants d’Uber, la société a été accusée à de nombreuses reprises d’ignorer les requêtes de données de la part des gouvernements. Elle s’est néanmoins engagée auprès du tribunal de New-York à fournir les plaques d’immatriculation de ses véhicules ainsi que les lieux d’arrivée et de départ de ses courses.
Mais ces informations supplémentaires n’éclairent pas les conditions d’accès des personnes handicapées aux véhicules Uber. De nombreux procès restent en cours au Texas et en Californie à propos de la manière dont sont traitées ces personnes. Des personnes aveugles disent avoir été rejetées à cause de la présence de leurs chiens, tandis que les personnes en chaises roulantes n’ont toujours aucun moyen de demander un véhicule adapté sur l’application de la compagnie.
Autant dire que les ennuis d’Uber avec la justice ne sont pas finis et que son modèle particulièrement opaque laisse de nombreuses questions en suspens dans la mesure où, à l’inverse d’autres compagnies de la Silicon Valley, elle se positionne sur un secteur qui demeure partout très régulé.
*Photo : Wikimedia Commons
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