Nouveau symbole des brutalités policières, le décès de Tyre Nichols ne répond pas franchement aux critères de Black Lives Matter. Mais, la gauche américaine parvient tout de même à faire de la récupération politique avec ce cas.
C’est un décès qui a semé une nouvelle fois l’émoi aux États-Unis. Battu à mort par des policiers, Tyre Nichols est devenu un nouveau symbole de ces brutalités que dénonce quotidiennement le mouvement Black Lives Matter. En dépit du fait que victime comme accusés soient tous Afro-américains, le mouvement antiraciste n’a pas hésité à faire un mélange des genres.
Il a dénoncé les méfaits du suprématisme blanc dans cet incident tragique, une notion qui divise profondément la classe politique américaine quant à l’attitude à adopter face à la recrudescence de tels actes.
Arrêté le 7 janvier 2023 à la suite d’une banale infraction au code de la route, Tyre Nichols a été battu à mort par cinq policiers, tous membres de l’unité spéciale Scorpion de Memphis (Tennessee). Ils ont été rapidement démis de leurs fonctions alors que les images de son passage à tabac étaient diffusées en boucle sur les réseaux sociaux et les écrans des télévisions nationales. La violence des coups ne fait aucun doute. Sorti de son véhicule très brutalement, on voit le jeune homme de 29 ans, père d’un enfant, être aspergé de gaz lacrymogène et être victime d’un tir de taser. Alors qu’il arrive à s’enfuir, c’est devant le domicile de sa mère qu’il est rattrapé, roué de coups de pied, de poings et matraqué. L’incident – un de plus qui vient s’ajouter au nombre important de violences policières répertoriées aux Etats-Unis – est pourtant loin de ressembler au cas George Floyd dont la mort par étouffement avait donné naissance au mouvement Black Lives Matter (« La vie des noirs compte ») en 2020.
Kamala Harris présente aux funérailles
Il aura fallu un peu plus de temps aux médias que d’habitude, pour nous révéler qu’il ne s’agissait pas cette fois d’un crime racial. Les journalistes semblaient embarrassés d’avoir à reconnaître que les cinq policiers, actuellement inculpés et emprisonnés « pour meurtre au second degré », étaient des hommes de couleur tout comme leur victime.
Face à l’ampleur de l’événement, la vice-présidente Kamala Harris s’est présentée aux funérailles et a profité de cette occasion pour dénoncer « un acte de violence perpétré par des personnes chargées de protéger et assurer la sécurité des familles ». À ses côtés, était présente la mère de Breonna Tyalor, autre Afro-américaine tuée par la police dans son appartement, également devenue une icône. Sans attendre les conclusions de l’enquête, le mouvement Black Lives matter (BLM) n’a pas tardé à s’emparer de l’affaire Nichols, et a fortement suggéré dans un communiqué que « que toute violence perpétrée contre des personnes de couleur était automatiquement raciste », surprenant tout le monde.
« [Tyre Nichols] comptait pour tout le monde sauf ceux qui soutiennent la violence sanctionnée par l’État et un cycle dangereux de suprématie blanche » n’a pas hésité à déclarer D’Zhane Parker, membre du conseil d’administration de la Global Network Foundation du BLM. « Bien que les médias aient passé beaucoup de temps à attirer l’attention sur le fait que les policiers soient noirs, comme si c’était important, soyons clairs: tous les policiers représentent les intérêts du capitalisme et encouragent la violence sanctionnée par l’État » a même surenchéri D’Zhane Parker qui semble adorer les raccourcis idéologiques. Une personnalité qui semble obsédée par l’idée d’un « racisme systémique » qui gangrènerait les forces de l’ordre.
Plus de 1200 personnes ont été tuées par la police en 2022, selon les statistiques données par « Mapping Police violence ». Une organisation orientée à gauche, qui affirme que les noirs ont trois fois plus de chances de se faire abattre que les blancs aux États-Unis. Des statistiques qui ont été contestées par le Statista Research Department : si le nombre de tués lors de violences policières est bien en augmentation depuis cinq ans, les chiffrés présentés par cet institut réputé ont démontré qu’il y avait eu plus de blancs américains tués lors d’interventions des forces de l’ordre que de noirs (389 contre 225) la même année. Des conclusions qui ont été corroborées, déjà, au début du mouvement BLM, par le Washington Post d’après une étude similaire sur le sujet, réalisée il y a deux ans dans 27 Etats américains, et pourtant passée à la trappe par les médias étrangers.
Fox News dénonce une manipulation
Pour la droite républicaine, cet incident relève plus de l’œuvre de « pommes pourries » au sein de la police que d’un problème généralisé au sein de l’institution policière.
Sur Fox News, l’animateur du Tucker Carlson Tonight show, le polémique Tucker Carlson, a accusé le BLM d’être à l’origine d’une « campagne de propagande très agressive, conçue pour manipuler [les Américains NDLR], en utilisant la triste mort d’un jeune homme à Memphis » et dénoncé une « nouvelle tentative des dirigeants de ce pays pour attiser la haine raciale aux États-Unis », visant clairement le président Joe Biden et la vice-présidente Harris. « Il y a toujours eu de mauvais officiers noirs, blancs, jaunes, bruns. C’est un usage excessif de la force, une mauvaise conduite policière » a rappelé Leo Terrell, un autre chroniqueur de Fox News, qui s’amuse de la thèse raciale développée par le BLM. Quant à Ted Williams, un chroniqueur de cette même chaîne, il a minimisé la gravité du meurtre, l’attribuant « au problème de l’expérience et à l’âge » des protagonistes, blâmant des « jeunes officiers inexpérimentés en quête d’adrénaline ».
Le sénateur démocrate Cory Booker a déclaré dimanche 5 février qu’il pensait qu’un projet de loi sur la réforme de la police pourrait être adopté par le Congrès,mais qu’il aurait peu de chances d’aboutir vu « le désintérêt pour la Chambre des représentants dirigée par les Républicains ». Un élu qui connaît bien le sujet, puisque c’est lui qui avait conduit l’équipe chargée de remettre un rapport sur les brutalités policières peu de temps après le décès de Georges Floyd. Si les appels à réformer drastiquement la police se sont depuis multipliés, il est donc peu probable que ce nouveau drame ne change quoi que ce soit aux Etats-Unis. Il est en revanche à peu près certain qu’il nourrira encore plus les divisions idéologiques qui secouent actuellement toute l’Amérique du Nord.
Sources :
https://www.statista.com/statistics/585152/people-shot-to-death-by-us-police-by-race/
https://www.spectator.co.uk/article/why-is-blm-blaming-tyre-nichols-death-on-white-supremacy/