Ce qu’il y a d’agréable avec la fin du monde chez les Mayas, c’est qu’elle arrive subitement, alors que la prophétie à laquelle nous avons à faire n’en finit pas de finir, un peu comme une phrase de Beckett ou un opéra de Wagner. C’est tous les jours que nous devons nous coltiner l’interminable déclin de quelque chose, depuis l’autorité à la Papa jusqu’aux saveurs du terroir. Cette manie de tout voir en noir finirait par être comique si elle avait l’humour de ladite couleur, mais elle est animée d’un tel amour pour l’Humanité qu’il y a vraiment de quoi prendre peur. Le problème aujourd’hui avec les salauds, disait Godard, c’est qu’ils sont sincères. Ajoutons : et optimistes. Car nos salauds sont optimistes, et s’ils ne croyaient pas au Progrès, leur métier n’aurait plus de sens.
Prenez trois professions bien en vue parmi les analystes autorisés du monde prétendument moderne. Prenez un député de gauche, un économiste social-démocrate et un journaliste multicartes : ne sont-ils pas simultanément inquiets pour notre avenir et intimement persuadés de notre « formidable capacité de rebond » ? Ce n’est pas parce que le monde va mal que l’on est en crise, mais parce que le nombre des professionnels bien intentionnés s’est considérablement étendu. S’inquiéter de l’avenir est devenu une affaire si rentable pour une quantité si importante de Tartuffe, que si, par quelque caprice du destin, le monde allait bien, nous n’aurions plus aucun moyen de nous en rendre compte.
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