Alors qu’un bombardier russe S-24 vient d’être abattu par l’armée turque, une autre information résonne. Souvenez-vous du 22 juin 2012. La Syrie reconnaît alors avoir fait chuter un avion de combat turc.
D’après Ankara, l’appareil aurait violé l’espace aérien syrien de façon « non intentionnelle » en raison de sa vitesse. « Quand vous pensez à la vitesse des jets lorsqu’ils volent au-dessus de la mer, il est courant qu’ils passent et repassent les frontières pour un court laps de temps », déclare alors le président turc Abdullah Gül. Selon Damas, l’appareil, un F4 Phantom, volait à basse altitude et à un kilomètre seulement des côtes syriennes lorsqu’il est abattu par la défense anti-aérienne. La Turquie se défend en affirmant que l’appareil, « non armé », « accomplissait une mission de reconnaissance-entraînement ». Bachar Al-Assad concède, chose rare, qu’il « regrette à 100 %» et invoque la présence de l’avion turc dans le couloir aérien habituellement utilisé par l’ennemi israélien.
Selon un officier syrien, interrogé alors sous couvert d’anonymat par le site Syria Politic, il ne s’agirait toutefois pas du premier impair turc : « Les avions turcs ont violé une première fois l’espace aérien syrien le 21-6-2012 au-dessus de la région de « Badroussia » (Lattaquié). Mais ils ont été contraints de rebrousser chemin après que les mitrailleurs anti-aérien sont entrés en action. »
Les tensions sont alors vives entre les deux pays. Et les relations diplomatiques interrompues à l’automne 2011, en raison de la répression obstinée du mouvement de contestation anti-gouvernementale qui agite la Syrie depuis le printemps. Le Conseil national syrien, principal organe d’opposition à Bachar Al-Assad, siège à Istanbul et le pays a accordé à l’armée syrienne libre qu’elle se replie sur son territoire.
L’opinion turque crie au scandale. Le gouvernement, lui, tente d’apaiser les tensions. « Nous devons rester calme. Ne nous laissons pas aller à des déclarations et attitudes de provocation », déclare-t-il en admettant que le F4 a bien violé l’espace aérien syrien. Mais l’affaire se complique. La Turquie fait volte-face en affirmant que son avion volait dans l’espace aérien international. Ankara évoque désormais « un acte hostile au plus haut point ». L’OTAN, saisie par la Turquie, condamne fermement l’accident.
Mais cette version est contredite, cette fois par des experts russes. Ils concluent que le F-4 Phantom turc effectuait en réalité un vol de reconnaissance visant à tester la défense antiaérienne syrienne pour le compte de l’OTAN. Selon une source bien informée qui a souhaité conserver l’anonymat, citée par LePoint.fr, l’opération aurait même été supervisée non pas par des Syriens, mais par des Russes. « Le niveau de qualification nécessaire pour la mise en marche de ce système étant élevé, il est très vraisemblable que ce soient des officiers russes qui l’aient activé », estime la source. L’information est incertaine. Néanmoins, la perte de l’avion et des deux pilotes a certainement marqué les Turcs. Il n’est donc pas à exclure que le F4 turc abattu en 2012 était présent dans les esprits des acteurs des évènements survenus ce mardi matin.
*Photo : Wikimedia Commons.
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