Avion russe abattu par la Turquie: la «turkmen connection»


Avion russe abattu par la Turquie: la «turkmen connection»

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L’incident survenu aujourd’hui dans le ciel du nord-est de la Syrie lorsqu’un F-16 turc a abattu un Sukhoi Su-24 russe, vient encore compliquer une crise qui ne cesse de s’envenimer et dont la nocivité, de locale à régionale, est en train de devenir globale.

Les autorités turques expliquent avoir ordonné à leur chasseur d’abattre le Sukhoi Su-24 après plusieurs sommations parce que celui-ci avait violé leur espace aérien. Ankara souligne également la multiplication de ce genre d’incidents depuis le déploiement des forces aériennes russes sur l’aéroport militaire de Lattaquié.

Mais derrière la question étroite de l’incident du 24 novembre, se cache une source de tensions profondes dont on ne parle que rarement : la population turkmène syrienne et ses relations avec la Turquie. Cette ethnie disséminée entre la Turquie, l’Irak, l’Iran et la Syrie compte dans ce dernier pays quelque 100 000 représentants dont la grande majorité habite Lattaquié et ses environs, Homs et Hama. Ces « Volksturcs », « cousins germains » des Turcs, dont ils partagent les origines mythiques et une proximité linguistique présentent un intérêt particulier pour Ankara. Ainsi, quand la façade de la nation syrienne s’est écroulée sous les coups de boutoir de la guerre civile, les Turcs ont aidé les Turkmènes à s’organiser politiquement et militairement. Des brigades Turkmènes ont d’abord été mises sur pied au sein de l’Armée syrienne libre. Déployées autour de zones de peuplement turkmènes, notamment au nord-est de la Syrie, ces troupes sont formées et entrainées par les forces spéciales turques. Une structure militaire, le Bloc national syro-turkmène, chapeaute ce dispositif militaire. Fondé en 2012 à Istanbul, ce parti politique a été porté sur les fonts baptismaux par l’AKP, le mouvement islamo-conservateur d’Erdogan, au pouvoir depuis 2002.

Depuis le renfort massif de forces russes dans la région de Lattaquié, les Turkmènes et l’armée russe risquaient la collision. Aux yeux des militaires russes, les Turkmènes se trouvent à la fois au mauvais endroit et du mauvais côté. En tant que forces anti-gouvernementales, les brigands turkmènes font partie de la liste des ennemis du régime Assad à abattre. Pire encore, leur présence dans les régions de Lattaquié, Homs et Hama, en font une cible prioritaire[1. Tandis que Lattaquié est entièrement sous le contrôle de l’armée régulière syrienne, mais aussi sous le feu des tirs d’obus de l’opposition, les gouvernorats de Homs et Hama restent en grande partie dominées par la guérilla anti-Assad.]. Ces trois agglomérations ont été les premières ciblées par l’aviation russe et les forces terrestres irano-hezbollaho-syriennes, car elles abritent des positions clé pour la sécurisation de la « Syrie utile » allant de la capitale jusqu’à Lattaquié, fief du régime que la tête de pont russe sécurise.

C’est pour cette raison que l’aviation russe concentre ses efforts dans cette région adossée à la frontière turque. Bien que les Turcs se montrent particulièrement chatouilleux sur leur souveraineté dans cette région, les Russes, qui en sont pourtant parfaitement conscients, ont continué à jouer avec la ligne rouge.

*Photo: © KOMSOMOLSKAYA PRAVDA/AFP/Archives ALEXANDER KOTS.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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