En Turquie, l’incarcération controversée du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, accusé de corruption mais soutenu par des milliers de manifestants dénonçant une atteinte à la démocratie, aggrave la tension politique face au président Erdogan. Comme un air de déjà vu, observe Gil Mihaely.
En Turquie, l’histoire semble parfois bégayer. En 1998, Recep Tayyip Erdoğan, alors maire d’Istanbul et surtout jeune et prometteur leader de la mouvance islamiste turque, était condamné à la prison pour avoir récité un poème jugé contraire à la laïcité. Un coup politique qui avait lancé son ascension vers le pouvoir en 2003.
Vingt-cinq ans plus tard, les rôles sont inversés. Le jeune et prometteur maire d’Istanbul est Ekrem İmamoğlu, figure montante de l’opposition, porteur d’un discours modéré et libéral. M. İmamoğlu incarne l’espoir d’une alternance dans un pays aux mains de l’AKP, un parti dont le logiciel politique s’inspire des Frères musulmans. Mais à mesure que sa popularité s’affirme et que celle de l’AKP décline, la machine politico-judiciaire, désormais entre les mains de ceux qui furent les victimes de 1998, se met en branle pour tenter de neutraliser celui qui se réclame des forces hégémoniques d’avant Erdoğan. Son arrestation il y a quelques jours s’inscrit dans un cycle bien connu en Turquie : un pouvoir qui instrumentalise les institutions pour se préserver, quitte à en compromettre les fondements démocratiques.
Accusations de corruption, et pire encore…
La trajectoire d’İmamoğlu avait déjà été freinée une première fois en décembre 2022, lorsqu’il fut condamné à deux ans et sept mois de prison, assortis – ce qui est l’essentiel pour le pouvoir en place – d’une interdiction
