La Tunisie, terre d’émigration, n’apprécie pas d’être un éden pour immigrés. Les propos de son président qualifiant l’immigration subsaharienne de « plan criminel » sont soutenus par une bonne partie de la population. Ce pays en crise nous rappelle ainsi le vieux racisme des Arabes contre les Noirs ; inconcevable pour nos bien-pensants.
On nous dit depuis des années que l’immigration est une chance. On oublie de nous dire une chance de quoi. Une réponse surprenante à cette question vient d’être apportée par la Tunisie où la présence de quelques dizaines de milliers d’immigrés africains a suffi à réveiller le vieux racisme des Arabes contre les Noirs. Pire, elle a offert à la théorie du grand remplacement une occasion en or de s’exporter au-delà des frontières de l’Europe. C’est à croire que l’immigration est une chance pour la circulation des idées « nauséabondes » ! Moment historique qu’il convient de célébrer : l’homme blanc n’est plus au centre du monde, il a perdu le privilège insigne qui faisait de lui la matrice de tous les péchés de l’humanité ! Le mythe du bon sauvage, si cher à notre intelligentsia parisienne, vient de voler en éclats. Juste pour cela, j’ai envie de dire, avec malice et ironie : « shoukran tounesse ! » (« Merci la Tunisie ! »)
Passages à l’acte racistes
Le 21 février, le président Kaïs Saïed a ouvertement dénoncé un « plan criminel », ourdi depuis une vingtaine d’années, dont le but serait de dissoudre l’identité arabo-islamique de la Tunisie pour en faire un « pays africain ». Kaïs Saïed est allé plus loin en associant les flux migratoires en provenance d’Afrique noire à la « violence et aux crimes ».Tout de suite, des exactions ont été signalées en différents points du pays à l’encontre des Noirs qu’ils soient étrangers ou tunisiens. Plusieurs pays d’Afrique, dont la Côte d’Ivoire et la Guinée (Conakry), ont dépêché des avions pour organiser le rapatriement des ressortissants tentés par le retour.
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Bien entendu, il n’y a aucune raison de se réjouir de la xénophobie et du passage à l’acte des racistes, en Tunisie ou ailleurs. Mais il n’est pas inutile de faire preuve d’une certaine malice pour noter que la Tunisie, terre d’émigration vers l’Europe et la France en particulier, commence à souffrir dans sa chair ce que la France subit depuis des décennies. Devant le surgissement de l’autre, une partie de la population prend peur et se raidit, quitte à commettre l’impardonnable. Après avoir exigé de la France qu’elle ouvre ses frontières, le peuple tunisien se retrouve lui-même dans la position du « beauf » et du « déplorable » craignant d’être dépossédé de son pays. C’est l’arroseur arrosé. Les propos de Kaïs Saïed s’inscrivent en effet dans une musique de fond qui monte depuis des années, attribuant aux immigrés noirs la pénurie de riz et la rareté des emplois. Les réseaux sociaux grouillent d’applaudissements au discours présidentiel et d’une dénonciation acerbe des immigrés subsahariens, une critique largement infondée car ces derniers ne sont pas spécialement concernés par la criminalité ni par un quelconque trouble à l’ordre public. Ils dérangent tout simplement parce qu’ils sont différents, parce qu’ils ne sont pas musulmans et parce qu’ils sont noirs…
Un terreau propice
On ne peut excuser le racisme, mais on se doit d’en comprendre les ressorts. Qu’est-ce qui pousse une partie de l’opinion publique tunisienne à fustiger la présence de quelque 20 000 immigrés africains sur son sol ? Soit une goutte d’eau dans une population de 12 millions d’habitants, assurée de sa suprématie numérique absolue à court et à moyen terme.
Il faut bien commencer à admettre que l’on a affaire à un peuple maltraité, un peuple qui souffre et quand on souffre on peut dire et faire n’importe quoi. Le peuple tunisien sort à peine de la crise du Covid, qui a accentué sa clochardisation en le privant des revenus touristiques. À cela s’ajoutent l’inflation, causée par la guerre en Ukraine dit-on, et les pénuries alimentaires à répétition : riz, lait et semoule. Une clochardisation latente qui avance depuis 2011, l’année de la révolution, qui a débarrassé les Tunisiens de l’oppression politique sans les délivrer pour autant de la misère économique. Bien au contraire. Le pays s’appauvrit à vue d’œil et l’Europe ne fait pas grand-chose pour l’aider alors qu’il s’agit de la seule démocratie du monde arabe, de l’unique transition démocratique réussie au sud de la Méditerranée. Combien de Syrie faudrait-il à l’Europe pour qu’elle comprenne enfin que les Tunisiens ont accompli une prouesse digne d’être encouragée par tous les moyens ?
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Alors, quand deux lumpenprolétariats se rencontrent, l’hostilité survient bien avant la coopération. Quand on a faim, on se crispe sur son bout de pain dur. Il fallait être bien naïf pour croire que les classes populaires tunisiennes allaient accueillir à bras ouverts les immigrés subsahariens. Entre damnés de la terre, on se donne des coups de coude et non des coups de main. Et puis, il y a l’inavouable préjugé des Arabes contre les Noirs. Inavouable en Europe, inavouable dans la bouche de Christiane Taubira ou Rokhaya Diallo, mais parfaitement assumé par l’homme de la rue. La Tunisie, comme le Maroc et l’Algérie, a été un pays d’esclavage où le Noir a été constamment stigmatisé. Il existe une « question noire » en Tunisie. Représentant près de 10 % de la population, les Noirs tunisiens (musulmans et enracinés depuis des lustres) font l’objet à ce jour de remarques vexantes, voire d’une discrimination décomplexée. L’un d’eux, Sami Merzoug, s’est levé dans les années 1960 pour exiger l’égalité et la dignité. Il a été persécuté avant de finir en détention dans un hôpital psychiatrique, comme s’il fallait être fou pour lutter contre le racisme dans la Tunisie de Bourguiba.
Le péché est pardonné
Conscient du séisme qu’il a provoqué, le président tunisien a déclaré le 8 mars dernier : « Je suis africain et je suis fier de l’être. » Il a repoussé toute accusation de racisme, précisant qu’il n’avait d’autre ambition que de garantir le respect de la « légalité », à savoir la lutte contre la seule immigration clandestine. En tout cas, le discours semble prendre au sein des pays africains qui ont réagi avec moins de virulence aux propos du président tunisien que SOS Racisme en France… Le président de la Cedeao, Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, ne peut pas croire que « le président de la Tunisie, le pays de Bourguiba, soit xénophobe ou raciste ». Alléluia !
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Aussi est-il fort probable que les déclarations du président soient vite oubliées au sein du continent noir. Il restera alors à SOS Racisme et aux ONG dites humanitaires de poursuivre les bourreaux des migrants subsahariens : j’ai nommé les passeurs tunisiens, les mafieux libyens, les trafiquants bédouins du Sinaï, entre autres négriers qui fouettent, volent et violent les hommes et les femmes à la peau foncée, dont le seul péché est de vouloir aller en Europe… Il n’est pas interdit de rêver.
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